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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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les cœurs
     pour qu’elle soit heureuse.

    Effectivement, la journée ne fut pas une réussite. Les nombreux enfants étaient
     excités. Les cousins et cousines ne savaient plus quels jeux inventer. Les
     femmes passaient leur temps à les réprimander et à les chasser de la cuisine ou
     du salon. Léonie avait prétexté une migraine pour expliquer son manque
     d’entrain. François-Xavier ne parlait que de son association avec monsieur Morin
     et celui-ci rétorquait que cela se ferait dès son mariage célébré. Après le
     repas de fête, Julianna avait fait transporter tous les bancs et toutes les
     chaises de lamaison dans le salon. Au curé, on avait offert le
     meilleur fauteuil, il allait sans dire. Henry avait pris place à côté du
     religieux. Léonie ne parlait guère et se contentait d’un sourire poli en se
     tenant bien droite. Même Ti-Georges était mal à l’aise. Il n’était pas au
     courant que le curé serait de la fête. Débiné, il avait dû faire une croix sur
     son répertoire de blagues grivoises qu’il avait préparées toute la semaine. On
     ne pouvait les raconter en présence d’un homme d’Église. Lui qui avait prévu
     faire sensation comme à la taverne ! Et Rolande qui était souffrante à cause de
     sa grossesse ! Il l’entendait respirer à petits coups, essayant de contrôler ses
     nausées. Il n’avait qu’une envie, celle de rembarquer sa marmaille dans son
     camion et de passer un dimanche tranquille chez lui.
    Pour sa part, le curé était inquiet de voir Léonie si abattue. En apprenant ses
     fiançailles, il avait cru la voir resplendissante de bonheur. Le curé Duchaine
     avait un réel attachement pour cette femme. Il la tenait en très haute estime.
     Il soupira un peu et refusa un autre sucre à la crème. Il jeta un œil sur la
     pluie qui tambourinait à la fenêtre. Il n’aimait pas ces journées de mauvais
     temps. Le bas de sa soutane devenait vite mouillé et cela lui donnait froid le
     reste de la journée. La seule consolation de ce dimanche était la présence de
     tous ces enfants. Il les adorait. Ils lui rappelaient ses petits frères et sœurs
     dont il s’ennuyait beaucoup. Quitter sa famille pour la prêtrise s’était avéré
     beaucoup plus difficile qu’il ne l’aurait cru. Et il regrettait, malgré lui, le
     fait qu’il ne serait jamais père. Il devrait s’en confesser encore et on lui
     répéterait qu’il était père de tous les enfants de Dieu maintenant. Il
     comprenait ces paroles mais, au fond de lui, les refusait. Il savait aussi qu’il
     ne pourrait jamais être abstinent sexuellement. Le soulagement solitaire, la
     nuit venue, lui était essentiel sinon il serait devenu fou. Il n’avait jamais
     rencontré une femme qui lui avait vraiment plu, alors il avait cru que l’appel
     de Dieu était pour lui. Il s’était engagé sur ce chemin tout tracé. Surtout
     qu’il rendait ses parents si fiers de lui ! On lui dictait tout, l’heure àlaquelle se lever, quand manger, quand prier, quoi prier, quoi
     penser... Les années avaient passé. Il était maintenant près de la trentaine et
     il regardait ce charmant tableau qu’offraient Julianna et Rolande, avec
     Jean-Baptiste et Augustin installés sagement sur leurs genoux, et il enviait les
     deux pères du salon. Pourtant, il y avait ce Henry, plus âgé que lui et
     célibataire, pour qui l’absence de paternité ne semblait pas être un problème.
     Alors pourquoi lui, un curé, ressentait-il si intensément ce vide ? Qu’est-ce
     qui se passait avec lui ? Le curé Duchaine aurait tout donné pour être sûr de
     lui et bien dans sa peau comme cet avocat semblait l’être. Il aurait aimé, lui
     aussi, avoir la liberté de discourir et d’émettre ses opinions sur la politique,
     la crise, les lois, les femmes et leur droit de vote... Il ouvrait la bouche
     pour répondre mais c’était l’avis de l’Église qu’il devait émettre, pas le sien.
     Il se sentait comme ces enfants qui apprennent par cœur le petit catéchisme. Le
     curé avait bien mémorisé les réponses, comme celle que c’était une aberration
     que les femmes puissent voter au provincial.
    Marie-Ange avait sursauté et, les lèvres pincées, lui avait offert à nouveau du
     sucre à la crème.
    — Monsieur le curé, j’peux pas croire que vous pensez ça, lui avait-elle
     gentiment reproché.
    Monsieur Morin s’en était mêlé.
    — Le curé Duchaine a parfaitement

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