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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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secret, n’est-ce-pas ? Tu le diras pas ?
    Mathieu fit signe que non. Albert se détourna vers Julianna et lui
     expliqua.
    — Je voudrais pas que les autres soient jaloux... c’est pour sa
     fête.
    En bas, les enfants, restés seuls, menaient un boucan d’enfer. Ils se
     chamaillaient et même Léo se mit de la partie en se mettant à pleurer de faim.
     Albert sourit à Julianna.
    — Retourne à ton ouvrage, Julianna. Moi, je vais prendre soin de cet enfant. On
     s’entend à merveille tous les deux.
    Julianna fut bien surprise mais accepta. Si elle ne redescendait pas à la
     cuisine rapidement, Dieu sait quel accident guettait un de ses enfants ! Elle
     avait de l’eau qui bouillait sur la cuisinière, un gruau en train de cuire et
     qui brûlerait, un bébé qui s’étoufferait à force de s’époumoner…
    — Merci, dit-elle avec gratitude. Vous êtes ben gentil. Mathieu, t’oubliera pas
     de dire merci à monsieur Morin. Ah, y faudrait qu’y fasse son pipi, le pot de
     chambre est en dessous du lit. Pis y sait où est son linge propre.
    — Inquiète-toi pas, Julianna, allez, va.
    Julianna sortit à la course de la chambre. Avec un regard désespéré, Mathieu
     voulut crier à sa mère de ne pas le laisser seul avec cet homme. Mais la vision
     du lièvre lui revint à la mémoire. Il déglutit. Un enfant ne peut rien faire
     quand il avait le malheur de croiser sur sa route un individu méchant et
     vicieux, certains diront malade. L’emprise terrifiante et cruelle d’un homme qui
     emmène de force un enfant dans son univers désaxé et déformé est le plus solide
     des bâillons. Sur ce nouvel axe qui est aux antipodes du sien, l’enfant n’a plus
     de voix, n’a plus de force. Il est emmuré vivant… et l’adulte se complaît à le
     maintenir en vie en lui insufflant de l’air empoisonné du mélange du secret et
     de la honte. L’enfant n’a aucun moyen de se sauver. Mathieu le savait très bien.
     Albert aussi. Le garçonnet grelotta et cela n’avait rien à voir avec l’inconfort
     de son vêtement mouillé. Albert sourit. Il se pencha et sortit le pot de
     céramique blanc. Il revint à l’enfant et lui retira sa jaquette humide
     d’urine.
    — Va sur le pot, je vais te nettoyer après.
    Mathieu obéit et alla se placer devant l’urinoir artisanal.
     Albert le contempla s’exécuter. Ce n’était pas croyable, une autre érection le
     prenait. Sans quitter des yeux le corps nu et tremblant de l’enfant, il recula
     jusqu’à la porte et sans bruit, la referma. Ce matin, il irait avec douceur. Il
     laverait ce petit pénis longuement, le frotterait... Le sien, il le mettrait
     sans doute dans la bouche de Mathieu... que cela sera bon... Mathieu serait sa
     chose, son jouet. Il serait sous sa totale emprise. Il ne pourrait le défier,
     lui tenir tête. Une voix intérieure lui disait de s’arrêter, de ne pas le faire,
     mais c’était plus fort que lui. Dommage qu’il repartait pour Montréal. En fin de
     compte, il ferait peut-être plaisir à Léonie et reviendrait sur sa décision de
     repartir plus tôt.

    À partir de ce jour, au grand désespoir de Julianna qui se serait passée de ce
     surplus d’ouvrage, Mathieu fit pipi au lit tous les matins. Elle ne s’en fit pas
     trop. Marie-Ange lui avait assuré que bien des enfants avaient ce problème et
     que parfois cela durait jusqu’à l’âge adulte. Au début, elle crut qu’il avait
     une infection. À l’automne, elle mit cela sur la nervosité de commencer sa
     première année d’école, puis à l’hiver, sur la longue absence de son père. Cet
     hiver-là, cependant, il ne monta pas aux chantiers. Le curé Duchaine avait un
     cousin qui était trappiste au monastère de Mistassini. Cette petite ville,
     située au confluent des rivières Mistassibi et Mistassini qui alimentaient par
     le nord le lac Saint-Jean, abritait la congrégation de ces moines depuis la fin
     des années 1800. Grâce à cette parenté, le curé avait pu offrir à
     François-Xavier de se faire engager à la trappe pour le temps des glaces. Ce
     travail avait pour but d’emmagasiner des réserves de glace en prévision de la
     chaude saison. Pendant les mois de janvier, février et mars, François-Xavier
     s’esquinta à prélever une épaisse couche de la rivière glacée. Ils étaient
     vingt-cinq hommes et dix chevaux à se partager la tâche colossale. Des scieurs
     vigoureux qui découpaientd’énormes blocs

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