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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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cheveux
     complètementrouges, elle, et n’arborait pas de cicatrice non
     plus. Julianna eut connaissance du regard jaloux que Pierre lança à sa sœur.
     Tout en le coiffant, elle lui dit gentiment :
    — Allons, Pierre, l’important c’est que tu fasses de ton mieux. Pis peut-être
     que cette année, mademoiselle Potvin a va t’en donner une aussi, une image
     sainte.
    Pierre ne se faisait pas d’illusion. Sa maîtresse d’école ne le récompenserait
     jamais autrement que par des punitions et des injures. Il avait appris à
     recevoir, selon la méthode Bérubé, les immanquables coups de règle sur les
     doigts et il y avait longtemps qu’il ne levait plus la main pour répondre aux
     questions de la femme. Il la détestait. Il était son souffre-douleur. Le seul
     point positif était que cela l’avait rapproché de sa sœur Yvette. Même s’ils
     continuaient d’être le feu et l’eau ensemble et qu’ils se chamaillaient pour des
     peccadilles, devant l’ennemi, ils étaient soudés. Yvette se faisait un devoir de
     l’escorter jusqu’à son pupitre avant de prendre place au sien. Elle était
     devenue son ange gardien. Une présence rassurante, une indéfectible alliée. Si,
     le matin, il n’aimait pas entrer le premier dans la sombre grange aux coins
     remplis d’ombres inquiétantes, Yvette passait en premier. Si Pierre avait peur
     d’aller à la bécosse à la noirceur, Yvette l’accompagnait et prenait les
     devants, la lanterne à la main. À l’école, le trio Rousseau et les deux cousins
     Gagné formaient toute une équipe. C’était Yvette qui avait forcé le groupe à se
     tenir ensemble aux récréations, défiant mademoiselle Potvin d’y voir un
     empêchement. Pierre, au moins, n’était plus seul maintenant à regarder jouer les
     autres enfants. Le temps des récréations rendait plus supportables ces affreuses
     journées de calvaire. Il avait craint que l’institutrice s’en prenne à son petit
     frère Mathieu quand celui-ci avait été en âge de commencer l’école. Il cherchait
     souvent des raisons à la haine de la maîtresse envers lui et il s’était mis à
     penser, étant donné qu’elle laissait Yvette tranquille, que c’était parce
     qu’elle n’aimait pas les garçons. Mais mademoiselle Potvins’était contentée de détailler un instant le nouvel élève Rousseau avant de
     lui attribuer une place près de la fenêtre. Mathieu avait passé l’année à
     rêvasser en regardant au dehors. Et mademoiselle Potvin n’avait jamais trouvé
     rien à y redire. Pierre n’avait pas de doute. Certainement que sa sœur ferait
     honneur à la famille aujourd’hui. Elle répondrait à toutes les questions sans
     sourciller. Les commissaires et le curé la féliciteraient chaudement. Et ce
     soir, elle rapporterait précieusement à la maison un beau livre de géographie
     obtenu en récompense. Pierre resta silencieux. Il ne savait trouver les mots
     pour expliquer à sa mère de ne pas être déçue pour lui parce que la maîtresse ne
     lui donnerait pas d’image comme à tous les autres… Il l’aurait, sa récompense,
     et il n’y en avait pas de plus précieuse que ce beau congé d’été qui
     débuterait !

    En fin de compte, la vie pouvait se révéler agréable à Saint-Ambroise !
     Julianna se prélassait, accotée sur le garde de sa galerie neuve, profitant de
     la fraîcheur du soir d’été, quand le soleil brille encore mais qu’il a consenti
     à descendre un peu jouer avec la brise. Les deux plus jeunes étaient couchés et
     elle voyait les quatre autres courir et se pourchasser en riant, heureux et
     insouciants. À ses côtés, François-Xavier fumait une pipe en se berçant. Son
     mari était revenu plus serein de l’hiver passé chez les trappistes. Il avait
     trouvé un terrain parfait pour se construire une fromagerie, à l’entrée du
     village, et il commençait à croire enfin à la réalisation de son rêve. Il lui
     avait longuement parlé, comme il y avait bien longtemps que cela n’avait pas eu
     lieu. Julianna s’étant beaucoup ennuyée, elle l’avait reçu comme un roi, lui
     accordant beaucoup d’attention et oubliant ses récriminations. François-Xavier
     crut que le pire était derrière eux et que sa princesse lui pardonnait enfin
     leur déménagement. Sur les conseils de Marie-Ange, Julianna allaitait encore Léo
     afin d’éviter lafamille. Après six enfants l’un derrière
     l’autre,

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