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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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maison. Couchée dans
     son lit, elle écoutaitle froid faire éclater les clous de la
     maison. Elle prit ses mains et se tâta le corps. Elle toucha ses seins, ils
     étaient beaucoup plus lourds et tombants qu’avant. Elle les fit descendre
     jusqu’à son ventre. Elle l’appelait son petit coussin. Il était un peu rond et
     n’était jamais redevenu plat. Elle se mit à rêver aux caresses de
     François-Xavier et ses mains s’égarèrent sur son sexe. Mais elle avait donné la
     permission à ses deux filles de dormir avec elle. Elle remit sagement ses mains
     le long de son corps et elle observa Yvette et Laura, dormant à sa gauche. Elle
     jeta un œil sur le berceau. Léo était lui aussi profondément endormi. Elle se
     releva et alla épier le sommeil de ses autres garçons. Elle borda Jean-Baptiste
     qui trouvait toujours le moyen de se découvrir les pieds. À côté de lui, Pierre
     était étendu, les bras repliés derrière sa tête. Elle se dit que son fils allait
     avoir dix ans au printemps. Dix ans, comme le temps passait vite... Puis elle se
     pencha sur Mathieu, couché seul, dans un autre lit. Julianna eut envie de le
     lever pour le faire uriner. Puis elle changea d’avis. Cela n’avait jamais fait
     de différence. Julianna s’agenouilla près du lit et pria une nouvelle fois pour
     que son fils guérisse et qu’il cesse de mouiller son lit. Elle ajouta à ses
     prières l’espérance que le printemps soit hâtif cette année afin de mettre un
     terme à sa solitude.

    Ses prières furent entendues. Marie-Ange et François-Xavier revinrent au début
     du mois de mars. Les accidents nocturnes de Mathieu commencèrent à s’espacer et
     à la venue de la fin de l’école, au mois de juin, elle commença à espérer que ce
     problème était disparu définitivement. Marie-Ange avait raison. Il fallait juste
     laisser passer le temps et ne pas s’en faire. Le temps… À l’automne, l’année
     scolaire débute et l’on a l’impression d’avoir une longue année devant soi à
     pouvoir respirer un peu pendant que les plus vieux sont à l’école, et la
     première chose que l’on sait, ils sont là, devant soi, endimanchés,excités, prêts à aller assister à la remise des prix de fin
     d’année… Enfin, Yvette et Mathieu espéraient une récompense. Son petit Pierre,
     par contre, c’était une autre histoire !
    Julianna termina de coiffer Yvette. Méticuleusement, elle noua un beau ruban
     blanc dans les cheveux blond-roux de sa fille. Aujourd’hui, les commissaires
     venaient questionner les enfants et Yvette affirmait qu’elle remporterait le
     prix de l’élève s’étant le plus distinguée de l’année 1936. Tous s’étaient levés
     encore plus tôt ce matin-là pour être certains que les enfants soient
     impeccables pour cette journée si spéciale ! Mathieu, qui terminait sa première
     année, ne semblait pas trop comprendre ce à quoi s’attendre. Yvette lui
     expliquait, pour la quatrième fois au moins, qu’en ce dernier jour d’école, le
     curé Duchaine ainsi que les commissaires d’école seraient assis à la place de la
     maîtresse Potvin et qu’ils poseraient de nombreuses questions pour voir s’ils
     avaient bien appris leur leçon. Yvette savait tout par cœur, des tables de
     multiplication aux dates de la découverte de l’Amérique ou de la bataille des
     plaines d’Abraham. Elle épelait facilement des mots compliqués comme d-a-m-n-a-t-i-o-n et pouvait réciter Le Corbeau et le renard .
     Il était rare de voir une élève de deuxième année se démarquer autant. Dans la
     petite école de rang, parmi la vingtaine d’élèves âgés entre six et seize ans,
     elle était incontestablement la meilleure. Et cette supériorité lui donnait une
     assurance presque insupportable !
    Julianna prit le peigne et s’attaqua à la tignasse rousse de Pierre. Elle
     soupira. Son aîné n’avait pas de très bons résultats scolaires. Pierre eut un
     mouvement d’impatience. Il détestait que sa mère le peigne ainsi comme un bébé.
     Demain, enfin, il serait délivré, l’école serait finie, plus qu’une dernière
     journée à souffrir le martyre. Il regarda « Yvette la parfaite » qui, fière de
     sa robe et de sa coiffure, pirouettait devant Marie-Ange en se vantant de
     revenir à la maison avec la plus belle récompense. Il aurait aimé lui
     ressembler, avoir autant de cran qu’elle. Mais elle n’avait pas les

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