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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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moqua de la
     femme.
    — Se mettre dans un tel état pour un curé ! On meurt tous les
     jours, ma chère.
    Quand elle lui demanda s’il viendrait avec elle assister à la cérémonie de
     l’enterrement, sa première réaction fut de dire qu’il n’irait certainement pas
     perdre son temps là. Puis, à son grand étonnement, les journaux et la radio
     déclarèrent cet enterrement comme un grand événement. Albert se dit qu’il serait
     probablement bien vu qu’il y assiste. Léonie, qui avait décidé d’essayer de
     convaincre l’homme d’épouser mademoiselle Brassard et de revenir à de meilleurs
     sentiments envers elle, quitte à revoir les termes de la gérance du magasin et
     de trouver un arrangement à l’amiable, remit au lendemain des funérailles cet
     affrontement. Elle avait trop de peine pour le moment. Cependant, le matin
     du 6 janvier, un vent effroyable et un terrible verglas déferlèrent sur
     Montréal. Albert se ravisa. Il n’était pas question qu’il mette le nez dehors,
     bien vu ou pas !
    Léonie brava la tempête. Il était rare qu’une pluie de glace tombe ainsi en
     janvier et elle vit, dans le déchaînement des éléments, un troisième signe
     divin. Elle avait reçu le deuxième la veille. Léonie avait fait la file pendant
     des heures afin de s’approcher de la crypte où était exposée, dans un cercueil
     ouvert, la dépouille de cet homme, petit de taille, géant de cœur. Enfin, cela
     avait été son tour et elle avait pu toucher de sa main droite la vitre qui
     protégeait le corps du défunt jusqu’au menton. On ne lui permit pas de
     s’attarder. mais ce bref recueillement fut pour elle une révélation. Elle se
     sentit complètement appelée et si elle avait pu, Léonie se serait étendue près
     du corps, aurait joint ses mains à celles nouées autour du chapelet et aurait
     fermé les yeux, des larmes de pur amour y perlant… Les gens derrière elle
     s’étaient un peu impatientés. À regret, elle avait laissé la place et ce fut
     comme si elle devait s’arracher à son port d’attache. Encore aujourd’hui, les
     spectateurs du défilé mortuaire exprimèrent leur mécontentement de se faire
     bousculer ainsi par cette femme arborant un air d’extase sur le visage. Elle
     tenait absolument à tout voir. Elle fendit la foule pour pouvoir
     atteindre le bord du trottoir. On devait tenir les chapeaux sous le vent féroce,
     les parapluies tournaient à l’envers, c’était comme si le ciel voulait que tous
     se découvrent pour un dernier hommage à son serviteur. Elle assista au départ du
     cercueil porté par les pompiers, les amis du petit portier. Quand elle
     reviendrait des funérailles, elle s’installerait à son secrétaire et écrirait
     une longue lettre à Julianna. Elle voulait lui raconter en détail cette journée.
     C’était d’une importance vitale pour elle de témoigner de ce moment historique.
     Ensuite, elle affronterait son fiancé. Elle en avait la force maintenant. Le
     frère André ne guérissait pas seulement les douleurs physiques… Elle avait
     compris les signes.

    Julianna reçut la missive vers la fin janvier. Elle en fit avidement la lecture
     et sourit en mettant les mains sur son ventre. Sa marraine lui écrivait qu’en
     touchant la dépouille, elle avait demandé que le frère André intercède en sa
     faveur et protège sa grossesse difficile. Cela faisait plusieurs jours qu’elle
     avait cessé d’avoir mal au ventre. Elle se sentait beaucoup mieux et elle
     envisageait les deux derniers mois de façon beaucoup plus encourageante.
    La fin de son terme arriva et le travail débuta. François-Xavier était encore
     chez les trappistes. Marie-Ange fit venir le médecin. Il ne put rien faire.
     Julianna accoucha d’un bébé mort-né. Ce fut un cauchemar. Quand le docteur était
     arrivé, souriant, il avait essayé d’écouter le battement de cœur du bébé à
     travers le ventre de Julianna. À son étonnement, il n’avait rien perçu. Il avait
     demandé à Julianna si elle avait senti bouger son bébé ce jour-là. Elle
     n’arrivait pas à se le rappeler. Que voulait insinuer le médecin ? Que son bébé
     était mort en dedans d’elle ? À plusieurs reprises, il avait réessayé, à l’aide
     de son stéthoscope, d’entendre quelque chose. Chaquefois, son
     visage exprimait une grande tristesse. Il était resté avec Julianna toutes les
     longues heures que prit son corps à

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