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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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dans le vide. Il ne se renditmême
     pas compte de l’état dans lequel était Léonie. Il ne leva même pas les yeux sur
     elle. D’une voix blanche, sans préambule, il annonça :
    — Les ouvrières de l’usine sont en grève.
    — Quoi ?
    Léonie s’attendait à tout sauf à cette remarque. Qu’est-ce que la grève d’une
     usine avait à voir dans tout cela ? Que se passait-il ? Albert avait-il perdu la
     raison ? Celui-ci retrouva tout à coup un peu de couleur et son expression
     changea. Il passa subitement à une grande rage.
    — C’est à cause de ces deux garces ! lança-t-il en se relevant.
    — Albert !
    Il se releva et se mit à marcher de long en large. Léonie était stupéfaite.
     Complètement abasourdie, elle ne pensait même pas à fuir.
    — Albert, répéta-t-elle. De… de quoi vous parlez ?
    — Ces chiennes de féministes pis de communistes, cette Léa Roback pis cette
     Rose Pesotta, je les renverrais d’où ce qu’elles viennent, ces deux
     vaches !
    — Albert, supplia Léonie, expliquez-vous !
    Elle ne le reconnaissait pas. Il avait perdu cette façon empruntée de
     s’exprimer qui le caractérisait.
    — Ça faisait longtemps qu’elles semaient le trouble pis qu’elles montaient la
     tête aux midinettes !
    — Albert, je…
    — Dix mille midinettes en grève ! Mesdames veulent la semaine de 44 heures pis
     des salaires de seize dollars. Rien que ça !
    — Albert, de quoi vous parlez ?
    — Des usines de textile.
    — Je sais, j’avais compris mais…
    — Tout le secteur des textiles est paralysé. Les grands boss américains
     ont commencé à débarquer… Tout va être surveillé…
    Il se passa une main découragée dans ses cheveux.
    — Albert, je vous suis pas pantoute…
    — C’est la dernière chose qu’il me fallait ! s’écria l’homme en assénant un
     coup de poing dans le mur.
    — Mon Dieu Albert, calmez-vous !
    Il sembla remarquer la présence de la femme et un détail sur celle-ci. Il se
     dirigea rapidement vers elle et l’agrippa par les bras.
    — Vous portez plus ma bague de fiançailles ? dit-il.
    Il avait remarqué ! Léonie l’avait retirée lors de sa réclusion et l’avait
     offerte en don à la communauté.
    — Bague ou pas, vous allez m’épouser, aujourd’hui, c’est la seule solution !
     dit-il au bord de la crise de nerfs.
    Léonie ne comprenait rien de rien à ce qui se passait. Cet homme était
     fou !
    — Non Albert, jamais !
    Elle devait appeler à l’aide !
    — Lâchez-moé ou je crie !
    L’homme eut un ricanement. Il la poussa le long du mur et l’y maintint de force
     par le poids de son corps. D’un bras, il l’étrangla à moitié. De l’autre, il mit
     la main sur sa bouche.
    — Je vas te mâter, tu vas voir. T’es rien qu’une garce toi aussi. Quand j’vas
     avoir fini avec toi, tu vas me supplier de te marier…
    On frappa à la porte. Le Seigneur venait à son secours.
    Albert se tint immobile, semblant hésiter sur la conduite à suivre. Les coups
     redoublèrent. L’esprit de l’homme sembla sur le point de chavirer. Il relâcha un
     peu sa prise, ne gardant que la main en bâillon. Léonie suivit le regard
     d’Albert qui se dirigeait vers la sortie arrière. On frappa avec plus
     d’insistance. Léonie implora Albert des yeux. Il hésita puis sembla recouvrer un
     peu ses esprits. Il repoussa Léonie. Elle eut à peine le temps de remplir ses
     poumons d’air que la porte s’ouvrit à toute volée et qu’un homme entra.
    Léonie resta interdite. Sous le choc, ses genoux la trahirent. Prise de
     faiblesse, elle se laissa glisser le long du mur. Albert ne bronchapas. Il fixait le nouveau venu d’un air hagard. Son sauveur
     s’empressa auprès d’elle et l’empêcha de s’affaisser. Léonie remarqua la courte
     barbe blanche soigneusement taillée, les nombreuses rides et les sourcils
     broussailleux. Ces différences ne l’avaient pas empêchée de reconnaître ce
     visage. Il y a des traits qui ne s’effacent pas de la mémoire et qui reprennent
     leur place comme si trente ans ne s’étaient pas écoulés. Son cerveau avait juste
     pris quelques secondes pour faire une mise à jour.
    — John, mon doux Seigneur, John c’est toé ? balbutia-t-elle.
    L’ancien amant de Léonie répondit en tendant une main calleuse vers la joue de
     celle-ci. D’une voix rauque, il répéta le prénom de la femme. Il avait gardé le
     même accent

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