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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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aurait été parfait si, en ce jour maudit du 24 juin 1926, les eaux du lac
     Saint-Jean ne s’étaient mises à monter. Julianna se dit que, ce matin-là, la
     fermeture des barrages de la compagnie avait gâché non seulement leurs récoltes,
     mais surtout son bonheur familial. Son mari ne décolérait plus et c’est à peine
     s’il jetait un œil sur leur bébé. Au mois de juillet, toutes les conversations
     tournaient autour de la visite de l’inspecteur, envoyé pour évaluer l’ampleur
     des dégâts. L’inondation était si importante que François-Xavier et Ti-Georges
     devaient ajouter un ponceau entre le champ nord et le pâturage afin de faire
     visiter leurs terres. François-Xavier était parti tôt à l’aube pour en commencer
     la construction.
    Petit Pierre endormi dans son berceau, Julianna, désœuvrée, regardait par la
     fenêtre de la cuisine cette belle matinée ensoleillée.
    « Oh et pis, il fait si beau aujourd’hui, allez p’tit Pierre, on s’en va
     rejoindre ton papa » décida Julianna. C’est d’un pas alerte et portant
     précieusement son bébé que Julianna arriva près du futur ponceau. Marguerite et
     ses garçons se tenaient non loin des deux hommes en train de travailler.
     Ti-Georges aidait François-Xavier à décharger la charrette pleine de madriers et
     de planches.
    — Matante Julianna, matante Julianna ! s’écrièrent les enfants en accourant à
     sa rencontre.
    Julianna se pencha et reçut un baiser sonore sur chaque joue de la part de ces
     deux garnements. Elle adorait ses neveux. Et ils le lui rendaient bien. Pour
     Jean-Marie et Elzéar, Julianna était un soleil. Ils ne connaissaient aucun autre
     adulte qui jouait ainsi avec eux, prenant le temps de leur inventer des
     histoires, de leur apprendre des chansons.Jean-Marie se
     souvenait d’une fois où son petit frère et lui étaient restés à coucher chez sa
     tante quand sa maman avait été un peu malade. C’était au début de l’hiver. Sa
     jolie tante avait sorti des couvertures, des draps, des catalognes, et,
     installés dans la cuisine, ils avaient construit une cabane. Le plus solidement
     possible, ils avaient attaché les coins de la literie aux montants des chaises.
     Il fallait se mettre à quatre pattes pour entrer dans leur cachette. Avec
     ravissement, l’enfant se souvint du parfum sucré que dégageait sa tante, la
     douceur de ses bras, la chaleur de leur abri… Quels beaux souvenirs !
    Julianna se releva, laissant les deux garçons s’accrocher à ses jambes.
     Marguerite s’approcha à son tour de sa belle-sœur et la salua avec un doux
     sourire.
    — Les enfants ont pas dérangé ton p’tit Pierre j’espère ? dit-elle en
     s’assurant que le bébé dormait toujours.
    — Avec ce qu’il a mangé à matin, je pense qu’il est parti pour la journée,
     répliqua Julianna. J’ai commencé à lui faire manger du solide. Il a avalé tout
     un bol de gruau au lait, expliqua Julianna.
    Juste comme la jeune femme terminait sa phrase, le bébé se réveilla et avant
     même d’ouvrir les yeux se mit à hurler. Elzéar se boucha les oreilles.
    — Y pleure trop fort ton bébé, matante !
    Les deux enfants se sauvèrent jouer un peu plus loin. D’un air rêveur,
     Marguerite déclara :
    — Y est aussi ben de s’habituer parce que betôt, y va se faire casser les
     oreilles nuit et jour chez nous itou.
    Julianna qui tentait de consoler son fils regarda Marguerite et chercha la
     confirmation dans les yeux brillants de celle-ci. Sa belle-sœur fit signe que
     oui.
    — Pis lui, chus pas mal sûre qu’y est ben accroché. J’commence mon quatrième
     mois pis tout va ben.
    — Ah que je suis contente pour toé ! Pis tu penses que c’est pour quand ?
    — Ça va être un bébé d’hiver, pour la Noël !
    — D’ici le temps des Fêtes, tout ce niaisage-là de barrages, ça devrait ben
     être réglé.
    — Ti-Georges dit qu’y faut pas rêver en couleurs... soupira Marguerite en
     regardant les dégâts autour d’elle.
    François-Xavier délaissa son ouvrage et vint prendre son bébé. Celui-ci cessa
     de pleurer, enfourna son pouce et se rendormit.
    Julianna haussa un sourcil moqueur. Le jeune père lui retendit avec précautions
     le bébé, embrassa sa femme et s’en retourna travailler. Montrant des signes
     d’impatience, Ti-Georges attendait son aide afin de débarquer un des
     madriers.
    Julianna admira son mari. Elle le trouvait si

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