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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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elle fit signe à son mari de la suivre. Jean-Marie resta seul avec ses
     parents. Il avait déçu son père, il en était certain. Il n’avait pas réussi à
     garder son équilibre. Il n’était qu’un pas bon... Le petit blessé n’eut qu’une
     envie, celle de pleurer, mais sous le regard dur de son père, il ravala ses
     larmes. Ce qu’il ne savait pas, c’est que le visage crispé que son paternel
     arborait n’avait qu’une seule raison : celle de cacher la peur qu’il avait eue
     de perdre son fils en le voyant couché par terre, inerte.

    — Depuis quand tu fumes, toé ? s’étonna Ti-Georges.
    François-Xavier sortit sa pipe et entreprit de la bourrer. Il venait de
     s’installer sur sa galerie et avait regardé son ami venir vers lui dans l’air
     chaud de cette fin de soirée.
    — Depuis une couple de semaines... lui répondit-il en pressant bien comme il
     faut le tabac dans le minuscule âtre d’ivoire.
    Cette pipe avait appartenu à Ernest. Elle était un cadeau de Joséphine.
    — Depuis l’accident de Jean-Marie ? voulut savoir son ami.
    — À peu près mais c’est pas à cause de lui. C’était la pipe ou j’allais faire
     sauter leur maudit barrage !
    — Ça m’a déjà traversé l’esprit moé itou... confia Ti-Georges en s’accotant sur
     un des poteaux du perron.
    — De fumer ?
    — Non, de mettre un bâton de dynamite sous le nez de la compagnie ! Il faut que
     tu viennes à la réunion demain. Le comité de défense a besoin de toutes nous
     autres !
    — C’est encore chez Onésime Tremblay ? s’informa François-Xavier en craquant
     une allumette.
    — Oui. On devrait être assez nombreux. En tout cas, tous ceux qui sont pas
     d’accord avec le rapport de l’inspection.
    — L’inspecteur qui a passé, y est vendu à la compagnie ! s’indigna
     François-Xavier en pompant fortement sur son tuyau de pipe afin de bien en
     embraser le contenu.
    — À l’entendre parler, on a presque pas de dommages, dit Ti-Georges avec
     colère. Y m’offrent presque rien pour la terre de chez nous ! Y disent qu’y a
     juste un pâturage qu’y est touché !
    — Ça va brasser demain chez monsieur Tremblay, fit remarquer François-Xavier en
     exhalant sa première bouffée.
    — Le comité a l’air ben décidé à pas se laisser marcher sur les pieds. Ils
     veulent avoir le plus de membres possible.
    — Moé, demain, j’vas me contenter d’écouter. J’veux me faireune
     idée avant de m’engager dans quoi que ce soit, décréta François-Xavier.
    Un instant de silence plana entre les deux hommes. Puis Ti-Georges
     annonça :
    — En revenant de la réunion, j’vas ramener Jean-Marie chez nous. Y a été assez
     d’embarras longtemps comme ça.
    — Y dérange pas ! s’objecta François-Xavier. Y a même commencé à remarcher un
     peu. Tu vas voir, y a ben hâte de te montrer !
    Ti-Georges se dandina sur place, mal à l’aise tout à coup.
    — Sa jambe est restée croche... Mon fils va être un infirme, murmura-t-il,
     l’air désolé.
    — Allons, Ti-Georges. Laisse faire le temps un peu encore. Y va peut-être juste
     boiter un peu.
    — Un boiteux, François-Xavier, c’est un infirme, pis un infirme, c’est une
     malédiction dans une famille, un boulet à traîner.
    Les deux hommes restèrent côte à côte sur la galerie, en silence. Ils ne se
     rendirent pas compte que derrière eux, à travers la porte moustiquaire,
     Jean-Marie, qui avait voulu faire une surprise à son père et lui montrer ses
     progrès, avait surpris leur conversation. Le petit garçon se laissa glisser à
     terre, le dos au mur, désemparé. Dans sa tête résonnaient sans cesse ces
     paroles : il était un infirme, un infirme...

    Chez Onésime, la réunion fut houleuse. Comme François-Xavier l’avait dit, il ne
     prit pas la parole mais écouta attentivement. Il lui fallait peser le pour et le
     contre avant de prendre une décision et de signer son adhésion au comité. Il
     admira les propos tenus par monsieur Tremblay. Après leur avoir souhaité la
     bienvenue et les avoir remerciés d’être venus si nombreux, leur hôte avait
     commencé par leur résumer toute la situation. Cela permit de calmer un peu les
     cultivateurs réunis. De sa voix chaude, il expliqua qu’il y avait longtempsque les Américains lorgnaient le fabuleux pouvoir
     hydroélectrique de leurs rivières et qu’ils avaient pour projet de se servir du
     lac Saint-Jean

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