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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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d’être rendue bien trop vieille.
    — Chus tout essoufflée...
    — T’as des belles joues colorées par exemple ! Tu vas gagner mon
     concours...
    — Où est Ti-Georges ?
    — Y fait une sieste. On dort pas gros la nuit icitte dedans. Hélène a une bonne
     voix.
    — A va peut-être ben être chanteuse…
    — Que Dieu nous en préserve ! Y en a assez d’une qui nous casse les oreilles
     dans la famille !
    — Marie-Ange ! fit semblant de s’offusquer Julianna. Comment ça se fait que tu
     t’en vas jamais en voyage voir tes enfants aux États ? Ça serait un bon
     débarras.
    — Vous pouvez pas vous passer de moé. L’hiver prochain par exemple, je pars
     faire le tour du monde !
    — Ben oui, tu dis la même chose à chaque année pis tu vas pas plus loin qu’au
     village !
    Marie-Ange attrapa le linge à vaisselle et fit mine de battre Julianna. En
     riant, la plus jeune des sœurs s’écria :
    — Bon, on va s’en retourner chez nous, nous autres, j’pense… Tant qu’à être
     habillée pis les enfants itou, aussi ben en profiter.
    Julianna embrassa sa sœur. Marie-Ange avait raison. Qu’est-ce qu’elle-même et
     Rolande deviendraient sans elle ? Julianna se demanda si Marie-Ange voyagerait
     jamais un jour comme elle en rêvait...

    À la fin du mois des morts, un revenant fit surface. Ce fut le visage en sueur,
     se dépêchant d’enfourner ses pains, que Rolande referma la porte du four pour
     ouvrir celle de l’entrée en se demandant bien quel quêteux y frappait encore.
     Avec la crise économique qui s’éternisait, il était de plus en plus fréquent que
     de pauvres bougres viennent à leur ferme demander à boire, à manger, un peu de
     sou ou les trois...Cet après-midi-là, le visage de la jeune
     femme se vida de ses couleurs lorsqu’elle reconnut le visiteur. Après trois ans
     d’absence, Jean-Marie était revenu. Il se tenait dans l’embrasure de la porte,
     un sac sur l’épaule, arborant une moustache et des traits beaucoup plus virils.
     À dix-huit ans, il n’avait plus rien à voir avec l’adolescent qui s’était enfui
     de la maison. Il sourit et demanda doucement à Rolande s’il pouvait
     entrer.
    — Surtout qu’on est en train de faire geler toute la maison.
    Rolande réagit enfin et lui libéra le passage. Un taureau l’aurait encornée que
     le choc n’aurait pas été plus brutal. La beauté de Jean-Marie, ses yeux, sa
     bouche, sa voix, sa stature... Elle se rappelait un adolescent pour qui elle
     avait ressenti de l’amitié. Elle retrouvait un homme qui lui inspirait, sans
     aucun doute, bien autre chose que ce chaste sentiment. Pour sa part, Jean-Marie
     avait une longueur d’avance sur elle. Depuis longtemps, il se préparait à cette
     rencontre. Malgré cela, il avait été renversé de voir à quel point son amour
     pour elle était encore aussi fort, sinon davantage. Comme elle était jolie...
     Comme il était douloureux de la revoir. Il dut prendre sur toute sa nouvelle
     maturité pour faire bonne figure. En boitillant plus que d’habitude, la fatigue
     accentuant son handicap, il alla s’asseoir sur un bout du long banc de bois qui
     tenait lieu de siège pour la table de cuisine. Il déposa son lourd bagage par
     terre et s’enquit si son père était là.
    Rolande fit non de la tête, n’ayant pu recouvrer assez d’air pour réussir à
     parler. Puis, avec effort, elle lui dit que Ti-Georges passait la journée chez
     sa sœur Julianna afin de réaliser différents travaux en vue de la longue saison
     froide vu que François-Xavier et Elzéar étaient absents. Marie-Ange l’avait
     accompagné, emmenant avec elle les jumeaux. Les plus vieux étant à l’école, elle
     en profitait pour boulanger et faire cuire les pains qu’elle avait pétris le
     matin même. Rolande parlait vite et avec nervosité. Jean-Marie l’écoutait en
     souriant et prenait note mentalement des changements survenus pendant son
     absence. Surtout que jamais on n’avait répondu à seslettres…
     Jean-Marie apprit donc le voisinage de son oncle.
    La maison était parfumée de l’odeur unique de bon pain chaud. Jean-Marie
     demanda s’il y en avait de prêt. Rolande retira un linge à vaisselle sous lequel
     refroidissait une belle grosse miche dorée à point.

— J’en prendrais ben un morceau, avec du beurre... Si chus le bienvenu icitte,
     comme de raison.
    Rolande se récria.
    — Ben voyons donc, icitte, c’est chez

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