La chapelle du Diable
voulut savoir un tas de
choses, surtout sur le passé de son père. Pierre désirait connaître les moindres
détails de la vie sur le bord du lac Saint-Jean. Il s’intéressa au
fonctionnement d’une fromagerie et se dit qu’il aimerait bien faire ce métier.
Alors François-Xavier se mit à raconter les années sur la Pointe, ses rêves et
l’inondation. Il lui dessina la maison de la Pointe et Pierre eut une
exclamation d’émerveillement. Cette tour était une idée merveilleuse ! Pierre se
mit à imaginer lui aussi des plans. François-Xavier lui enseigna comment
calculer une pente de toit, mettre en perspective une façade, prévoir les
dégagements nécessaires et tout ce qui faisait les éléments d’un bon plan.
— Pis on pouvait grimper dans la tour pis tout voir le lac ?
— C’était si beau… Quand le soleil se couchait, tu aurais juré
que tu avais sauté au milieu d’un feu de joie et que tu dansais sans te brûler
sur le dessus des flots…
— Pis on l’appelait le château ?
— Oui, le château à Noé.
— Pis que c’est qu’elle est devenue, cette maison-là ?
François-Xavier hésita.
— Elle appartient à la compagnie. Comme toute la Pointe. Tu le sais, je te l’ai
déjà expliqué.
— Mais la maison, qui c’est qui habite dedans ?
— Elle est abandonnée… comme les autres.
— Ah, fit tristement Pierre.
Il reprit, une lueur d’espoir dans les yeux.
— Peut-être qu’elle est pas vide ! Peut-être que c’est les oiseaux des bois qui
l’habitent astheure…
— Peut-être, mon fils… Peut-être.
Pierre venait de vivre un merveilleux mois auprès de son père. Mais celui-ci
allait repartir bientôt aux chantiers. L’adolescent avait apprécié connaître un
peu plus son père. S’il n’avait pas été si jeune, il aurait aimé le suivre
jusqu’au chantier. Pierre fut terriblement jaloux d’apprendre qu’Elzéar irait,
lui. François-Xavier avait accepté d’emmener son neveu. Le jeune homme avait
tellement insisté. Cet hiver, au lieu de faire de la glace dont les trappistes
avaient cessé de faire l’entreposage, ayant modernisé le monastère à
l’électricité, les trappistes lui avaient offert de bûcher sur leur propre
chantier, au nord de la trappe. François-Xavier avait accepté avec gratitude. Il
se dit que le contact de ces moines travaillants serait une bonne chose pour
l’adolescent qui vivait mal l’absence de son grand frère.
Pierre fut triste de voir repartir son père. Cela était étrange de nepas aller à l’école. Il en profitait pour étudier son petit
catéchisme et apprendre par cœur tous les passages. Car le curé Duchaine lui
avait promis qu’il marcherait au catéchisme au mois de mai comme tous les
autres, qu’il ferait sa grande communion au mois de juin. Chaque année, dans
tous les villages, pendant un mois, les enfants en âge de recevoir ce grand
honneur étaient dispensés d’école. Tous les jours, ils se rendaient à l’église
et recevaient l’enseignement du curé qui les aidait à mémoriser les
commandements du livre religieux. De voir ce groupe marcher ainsi en direction
de l’église avait donné son nom à cette tradition. À la fin du mois, les prêtres
questionnaient les élèves et leur donnaient une note de passage. Pierre était
bien décidé à réussir avec très grande distinction ce diplôme. L’incident avec
mademoiselle Potvin avait été un point tournant dans sa vie. L’histoire avait
vite fait le tour du village et on ne posait plus le même regard sur lui. Il
cessa de baisser la tête et de raser les murs. Il arborait maintenant sa
tignasse rouge comme un drapeau victorieux.
En plus d’étudier son catéchisme, il rendait service à la maison. Il coupait le
petit bois, le cordait, le rentrait. Il allait souvent trouver son parrain. Il
s’arrangeait pour être à la ferme lorsque ses cousins et sa cousine revenaient
de l’école. Avec Delphis, souvent suivi de Samuel maintenant, ils partaient à
l’aventure, jouaient dans le ruisseau à construire un barrage à la manière des
castors, travaillant fort à déterrer les grosses roches, à les transporter
jusque dans l’eau, à calfeutrer les fentes à l’aide d’un mélange de cailloux et
de boue. Ils revenaient de ces travaux de novembre éreintés, les mains gercées
mais heureux et fiers, ayant encore une brèche
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