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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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à questionner son fils sur
     tout ce qui s’était passé pendant ses voyages. Jean-Marie essaya de ne pas poser
     les yeux sur Rolande ni de détailler sa silhouette lorsqu’elle alla s’enfermer
     dans la chambre pour nourrir la petite Hélène. Il était loin d’être un conteur
     coloré comme son père mais il tint en haleine son public par la diversité de ses
     anecdotes. Il en avait vu du pays ! Il était passé par les États-Unis, était
     revenu au Canada, faisant mille et un travaux pour gagner son repas et son gîte.
     Il avait réussi à se mettre un peu d’argent de côté, mais il n’avait pas fait
     fortune. Partout la crise frappait et les salaires étaient dérisoires. Souvent,
     il n’avait pas mangé. Étrangement, les plus généreux étaient les plus pauvres...
     Il avait vu des enfants pieds nus dans la neige faire les poubelles, des
     vieillards quêter ou vendre tout cequ’ils possédaient. Dans les
     villes, c’était l’horreur, les gens se débrouillant moins bien qu’à la campagne,
     n’ayant pu jardiner ni engranger... Il ne restait jamais longtemps au même
     endroit. Le plus long séjour fut sur une ferme d’Ontario. Il se débrouillait
     maintenant très bien en anglais. En riant, il dit :
    — Au début, j’vous dis que je comprenais rien... Nous autres, par icitte, au
     Saguenay-Lac-Saint-Jean, on est pas ferrés pour le parler.
    Julianna surenchérit.
    — À Montréal, toute est en anglais, ça fait longtemps. La business ,
     toute !
    — Astheure, dit Jean-Marie en poursuivant son idée, astheure, j’sais même pus
     si je rêve en français ou bedon en anglais !
    — Bateau de bateau, rêver en anglais ! Voir si ç’a de l’allure ! dit Ti-Georges
     d’un ton coupant.
    — Pis je lis The Gazette  !
    — Tu lis le journal en anglais ?
    Rolande venait de ressortir de la chambre, la tétée finie, et s’était exclamée
     d’admiration devant ce qui pour elle représentait tant. Yvette s’en mêla.
    — Matante Rolande, a sait pas ben lire. J’essaye de lui apprendre mais a l’a
     une caboche dans laquelle ça rentre pas !
    — Yvette !
    — Ben non, Julianna, c’est moé qui lui dis ça... pis c’est vrai, se désola la
     jeune femme. Les lettres y se mélangent toutes devant mes yeux, y ont la danse
     de Saint-Guy.
    Ti-Georges vint à son secours.
    — T’as pas besoin de caboche, ma femme. T’es jolie pis tu m’donnes de beaux
     enfants, pour une créature, c’est en masse.
    — Georges ! s’indigna Julianna. Tu parles comme Albert Morin !
    — Ben c’est vrai itou.
    Jean-Marie s’informa qui était cet Albert.
    On lui apprit l’histoire de Léonie et de son entrée au monastère.Puis Marie-Ange, autant pour changer de sujet que pour ne pas
     laisser passer cet affront, accusa son frère.
    — C’est à cause de bornés comme toé qu’on peut pas encore voter au provincial.
     Non mais retenez-moé quelqu’un ou je sors le rouleau à pâte pis je fais de la
     tarte avec sa caboche à lui !
    — Wo ! la grande sœur, pars pas en peur !
    — Que ça m’choque donc quand j’entends des affaires de même !
    — Vous autres, les femmes, vous êtes en train de virer sur le capot, bateau !
     C’est-tu ton retour d’âge, ma vieille, ou bedon que t’es veuve depuis trop
     longtemps ?
    — Ah ben Georges Gagné !
    — Marie-Ange, intervint Julianna, tu sais ben qu’y a rien à faire avec
     lui...
    — Ben ça dépend pour qui, hein ma Rolande ! dit son mari avec une tape sur les
     fesses de la jeune femme.
    Ah non, Georges avait encore exagéré sur la boisson et il commençait à tenir
     des propos grivois. Julianna envoya les enfants se coucher tout en lançant un
     regard noir à son frère. Celui-ci se servit encore à boire tout en minimisant la
     portée de ses paroles.
    — Fais donc pas simple, Julianna, les enfants auraient pu veiller un peu. Leur
     cousin Jean-Marie qui revient, c’est pas rien, surtout qu’y lit l’anglais
     astheure !
    Personne ne releva le sarcasme. Julianna se contenta de répliquer :
    — Y arrive sept heures et quart, y est tard en masse.
    Rolande rougit et baissa les yeux. Georges n’était quand même pas né de la
     dernière pluie. Il avait fort bien senti l’admiration et remarqué les yeux
     brillants de sa jeune épouse… presque du même âge que son fils... Des jeunes
     bien assortis... Il venait de prendre conscience que le départ de son fils avait
    

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