Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
fait entrer deux quêteux
     qui demandaient l’hospitalité.
    — Bateau, la maison est pleine à craquer... Qu’ils aillent
     frapper à une autre porte !
    Jean-Marie insista.
    — Y sont gelés comme des cretons. Y en a un qui se sent pus les pieds. Y sont
     avec un traîneau à chiens.
    — J’veux ben faire la charité à mon prochain, mais on a pas de place bateau !
     J’peux pas en inventer !
    — Ben voyons papa, on peut pas les laisser dehors... insista Jean-Marie. Y
     peuvent pas aller plus loin, y sont fatigués, leurs chiens veulent pus
     avancer.
    — Envoye-les dans la grange.
    — Papa, c’est pas un frette normal dehors... Y faut qu’y se réchauffent pis
     leurs chiens feraient peur aux animaux.
    — Fais à ta tête, viarge... mais tu t’en occupes. Pas question que tu déranges
     Rolande pour eux autres.
    Jean-Marie retourna à la porte de la cuisine et parla avec les deux pauvres
     hommes. Pierre entendit les deux étrangers remercier chaleureusement son cousin
     et s’inquiéter de leurs chiens. Jean-Marie eut l’idée d’installer les quatre
     bêtes dans la cuisine d’été. Pierre mourait de curiosité. Il n’avait jamais vu
     de chiens esquimaux. Il imaginait une bête immense... blanche comme la neige...
     Sans faire de bruit, il se dégagea de son inconfortable position et, pouce par
     pouce, repoussa le bras de Delphis et la jambe de Samuel qui le maintenaient
     prisonnier au milieu du lit. Sur la pointe des pieds, il alla se poster au haut
     des escaliers, caché derrière le poteau de la rampe. Il vit les hommes revenir
     avec les chiens qui étaient loin de ressembler à ce qu’il croyait. Les pauvres
     bêtes étaient agitées et semblaient reconnaissantes qu’on leur offre enfin un
     abri. L’espion put apercevoir les quêteux. Le plus vieux arborait une longue
     barbe poivre et sel, et sa moustache était pleine de glaçons. L’autre avait un
     visage cuivré et des traits austères. Ils suivirent son cousin Jean-Marie
     jusqu’à la pièce du bas-côté, chicanant à voix basse leurs bêtes et les poussant
     à l’intérieur de la pièce en leur ordonnant « to stay and be
     quiet ». Elzéar était venu rejoindre son frère et restait dans le cadre de la
     porte de la pièce, une lampe à l’huile à la main, afin d’éclairer un peu ces
     invités de la dernière heure. Jean-Marie et les étrangers ressortirent, portant
     dans leurs bras des couvertures de cheval entreposées dans la pièce depuis qu’on
     les avait remplacées par des neuves. Jean-Marie escorta tout le monde au
     salon.
    Pierre descendit au pied des marches. Sa gorge était en feu et il aurait bien
     aimé pouvoir boire quelque chose.
    Dans le salon, Ti-Georges ne fut pas très accueillant mais il laissa son fils
     étendre les épaisses couvertures par terre. Au moins, ces voyageurs sans le sou
     ne semblaient pas trop sales.
    — Pis, où c’est que vous allez comme ça avec vos chiens ? demanda leur
     hôte.
    — Là où le vent nous pousse, répondit mystérieusement celui à la barbe.
    Pierre écoutait, blotti dans le coin de la cuisine, près du salon. Face à lui,
     le poêle à bois dégageait une belle grosse chaleur. Il se demandait si l’autre
     homme était un indien. Il ne parlait pas et gardait un visage de marbre.
    — Pis d’où c’est que le vent vous a amenés ?
    — On vient du nord.
    Elzéar s’excusa, il devait aller à la bécosse. Il franchit le salon, vit Pierre
     et lui demanda ce qu’il faisait là. Son cousin hésita un peu. Se souvenant
     d’avoir eu cet âge, il haussa les épaules, et alla se vêtir chaudement. Il
     maugréa qu’il fallait être mal pris en maudit pour aller aux toilettes dehors.
     Décrochant un fanal, il sortit dans le soir glacial. Pierre sentit sur ses pieds
     nus un courant d’air froid.
    Il replia ses jambes sous lui pour se réchauffer. Il devrait remonter se
     coucher, se dit-il. Tout à coup, il y eut du fracas dans la pièce du bas-côté.
     Pierre se demanda ce qui avait pu causer le bruit. Les hommes sortirent du
     salon. Quand son oncle s’aperçut de la présence de son filleul, il
     l’apostropha.
    — Que c’est tu fais deboute, toé ?
    Les deux quêteux jetèrent à peine un œil sur l’enfant. Celui qui semblait le
     chef décréta :
    — Ce sont les chiens, j’m’en vas voir.
    L’indien alla se réchauffer les mains au-dessus du poêle. Jean-Marie
     l’accompagna. Ti-Georges regardait

Weitere Kostenlose Bücher