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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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retrouva en possession de la rondelle. François-Xavier et
     Julianna, d’un commun accord, firent semblant de ne pas réussir à arrêter leur
     adversaire. Marie-Ange ne se rendit pas compte de l’aide apportée. Elle se
     démenait, concentrée et, tout essoufflée, parvint à arriver devant le but gardé
     par Henry. L’avocat rencontra le regard de Julianna et comprit sa muette
     supplique. Il décida de laisser glisser la rondelle entre ses deux pieds. Le
     gardien maladroit échangea un clin d’œil complice avec ses coéquipiers.
     Ti-Georges jubila et annonça le nouveau pointage.
    4 à 2.
    Au grand étonnement de tous, Pierre réussit à intercepter une passe et il fonça
     littéralement jusqu’au but adverse. Ti-Georges eut juste le temps de se pousser
     sous peine de se faire crever un œil tellement la rondelle entra avec force dans
     le but.
    5 à 2.
    Le curé Duchaine décréta que c’était la fin de la période. Ti-Georges répliqua
     que c’était la fin de la partie et d’une partie qui necomptait
     pas. La prochaine fois, dit il, on ferait des équipes qui tiendraient debout et
     les femmes ne joueraient pas !
    — Ben voyons Ti-Georges, lâcheux…
    Mauvais perdant, Ti-Georges s’en retourna en bougonnant et en laissant échapper
     des mots pas très catholiques. Dépités, les joueurs se rassemblèrent. Ils
     s’accordèrent à dire qu’ils s’étaient bien amusés et qu’il était temps d’aller
     se réchauffer à l’intérieur. Julianna invita le curé à se joindre à eux et à
     venir prendre un petit remontant.
    Le curé Duchaine accepta. Il reprit sa rondelle.
    — J’espère, monsieur le curé, dit Marie-Ange, qu’on vous a pas trop
     choqué ?
    Le curé fit une drôle de mimique à sa paroissienne. De sa main, il désigna ses
     cache-oreilles. En parlant fort pour faire semblant que cela le rendait dur
     d’oreille, il cria :
    — Quoi ? Vous dites ? J’entends rien avec ces trucs-là !
    — C’est aussi ben, monsieur le curé, aussi ben, répondit Marie-Ange. Des
     hommes, quand ça joue au hockey, ça oublie toute leur chrétienté… Ça pourrait se
     battre jusqu’au sang pour cette petite rondelle-là.

    — Je sais, répéta Rolande. Y vaut mieux que tu repartes.
    En fermant les yeux de souffrance, elle se laissa aller contre Jean-Marie. À ce
     moment, Ti-Georges entra en coup de vent dans la maison. Il s’arrêta un instant,
     jaugeant la situation. Rolande se remit à brasser vigoureusement la soupe.
     Jean-Marie alla vers la fenêtre et regarda le chemin.
    — Pis, on gagne-tu ? demanda-t-il d’un ton ironique.
    Il ne serait pas mal à l’aise. Il n’avait rien à se reprocher. Jamais il ne
     toucherait à la femme de son père. Il lui avait fait ses adieux, tout
     simplement. Ti-Georges regarda tour à tour son fils et sa jeune épouse. Il
     commença à retirer ses vêtements d’hiver.
    — Je sais pas à quoi a pensé Henry en te faisant jouer. Y le
     savait que t’as une patte folle pourtant !
    — Ben voyons, j’étais gardien de but !
    — Même là, c’était trop te demander !
    — Bon ben, j’vas aller voir dehors si j’y suis, moé, dit Jean-Marie en
     remettant ses bottes.
    — Fais donc ça, pis va donc voir jusqu’aux États…

    La nouvelle année 1938 commença avec une vague de froid sans pareille. On
     n’allait à l’extérieur que par obligation. Les petits furent gardés bien à
     l’abri et on surveillait de près les tuyaux de poêle qui serpentaient au plafond
     pour ne pas avoir de feu de cheminée. On chauffait tellement pour essayer de ne
     pas geler dans les maisons que la chaleur des tuyaux faisait cloquer la peinture
     des plafonds. Le vent glacial trouvait le moyen de s’engouffrer par la moindre
     fente et partout on sentait des courants d’air. Le plancher avait même une
     couche de frimas dans les coins. On devait se chausser de plusieurs épaisseurs
     de bas de laine pour pouvoir circuler. En raison de ces 38 degrés Fahrenheit
     sous zéro, le jour de l’An avait été plus sage que d’habitude. On ne s’était pas
     éternisé sur le parvis de l’église et les invitations s’étaient faites moins
     nombreuses. Le 2 janvier au soir, ce fut pire encore. Lorsque même le vent
     dehors abdique et laisse régner le froid en maître, l’homme doit se résigner et
     se mettre à l’abri.
    En haut, dans les chambres à coucher de la maison de Ti-Georges, les enfants
    

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