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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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toujours son filleul, attendant sa
     réponse.
    — Je... j’ai mal à ma gorge pis...
    Son oncle lui ordonna de retourner se coucher. L’homme à la barbe ouvrit la
     porte de la pièce d’été et craqua une allumette. Un des chiens vint à sa
     rencontre traînant derrière lui un bidon renversé, paniqué par le bruit du lourd
     récipient de métal. L’allumette lui brûlant les doigts, le barbu la jeta par
     terre.
    Tout se passa tellement vite. Le bidon contenait du naphta. L’allumette
     enflamma ce dérivé du pétrole hautement volatile. Pierre eut le temps
     d’apercevoir les flammes rampantes, gloutonnes, se jeter avidement sur les murs,
     ne prenant même pas le temps de déguster leurs agapes. Elles se faisaient
     compétition à savoir qui franchirait en premier la ligne de la porte. Sa tante
     Rolande, alertée par le bruit, apparut, en robe de nuit, à l’entrée de la
     chambre, demandant à son mari ce qui se passait. Georges fut le premier à réagir
     devant le danger. Il cria qu’il fallait aller à l’étable et en rapporter les
     couvertures des chevaux, qu’on pourrait réussir, vite, à étouffer les flammes !
     Jean-Marie ne pensa qu’à la femme qu’il aimait et alla à la rencontre de
     Rolande. Il lui intima de prendre le bébé et de sortir mais celle-ci, les yeux
     rivés sur les flammes, était hypnotisée. Elle balbutiait : « Les enfants, il
     faut sortir les enfants. » Les flammes couraient vite et, ayant traversé la
     porte, hésitaient maintenant entre grimper l’escalier pour s’attaquer à l’étage
     ou aller vers la cuisine et y dévorer les armoires. Georges secoua son
     fils.
    — Envoye, viens avec moé à l’étable !
    Jean-Marie quitta à regret la jeune femme, tout son cœur n’ayantqu’une envie, celle de la prendre dans ses bras, de la protéger, de la mettre
     à l’abri. Georges le tira par la manche et le força à le suivre. Dans les
     secondes qui suivirent, Pierre eut la vision fugace de deux ombres devant lui,
     celle de l’Indien et du barbu. Ensuite il vit sa tante Rolande faire quelques
     pas vers les escaliers, regarder en haut avec des yeux paniqués, jeter un coup
     d’œil vers la chambre où Hélène dormait, reporter son attention à l’étage,
     hésiter, tout cela en quelques secondes. La fumée piquait les yeux, la chaleur
     des flammes était déjà presque insupportable. Sa tante n’eut pas le temps de
     prendre une décision. Ti-Georges venait d’ouvrir la porte extérieure à toute
     volée et courait, suivi de Jean-Marie, jusqu’à l’écurie. Grâce à cet apport
     d’air inespéré, le feu trouva un deuxième souffle. Il alla chercher du renfort.
     Deux autres bidons de naphta constituaient la réserve de combustible requise
     pour l’hiver. Le feu rugit un cri de victoire et sa force explosa. Certain de sa
     domination, il partit à la conquête de toute la maisonnée. Sous le souffle,
     Rolande fut projetée contre la cuisinière et fut assommée. Pierre discerna la
     forme de sa tante, drôlement recroquevillée par terre. Il regarda vers l’étage
     et crut percevoir des pleurs. Le feu avait pris possession de toute la cage
     d’escalier, croquant chaque marche de pin, comme de vulgaires amuse-gueules. Le
     feu s’en allait allègrement vers le plat de résistance. Pierre, à moitié
     étouffé, vit sa porte de sortie, laissée grande ouverte par son oncle. Que
     quelques pas et il y serait. Son instinct de survie le poussait à les franchir,
     sans regarder derrière lui. Il entendit gémir sa tante, qui reprenait ses
     esprits.
    — Les enfants... mon bébé...
    Hélène, dans son berceau, dans la chambre, à l’opposé de la voie libre...
     Pierre ne sut pas quelle force le poussa à se diriger vers le fond de la cuisine
     plutôt que d’emprunter la sortie de secours. En toussant, il se dirigea à tâtons
     vers la chambre. La fumée était de plus en plus dense. Il se cogna contre le
     lit, avec sa main en suivit le rebord, chercha le berceau. Il ne le trouvait
     pas, il ne pourrait plus résisterlongtemps... À l’aveuglette,
     il tenta de se situer. Il traversa par-dessus le matelas et avec ses mains, tâta
     le vide... toujours le vide, rien que le vide... Soudain, il frappa un objet qui
     tangua sous le coup. Le berceau ! Il tâtonna et réussit à prendre le bébé. Il ne
     savait pas si elle était vivante. Elle ne pleurait pas et semblait molle comme
     un chiffon. Il la tint

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