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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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qu’on
     a pris pour le comité de défense. On est ruinés.
    Ti-Georges se leva, encaissant le choc, puis s’éloigna en amont du ruisseau. La
     lune éclairait tel un phare dans la nuit et il se dirigea sans peine dans la
     noirceur. Julianna eut le réflexe de se lever pour suivre son frère mais son
     mari l’en empêcha.
    — C’est moé qui y vas, décréta-t-il.
    François-Xavier alla rejoindre son ami et se contenta d’être à ses côtés,
     respectant son mutisme. Ti-Georges ramassa quelques petites pierres et se mit à
     les lancer mollement dans l’eau.
    — Bateau, François-Xavier, quand est-ce que la vie va arrêter de s’acharner sur
     nous autres ? murmura-t-il.
    Celui-ci ne répondit rien. Lui-même se posait cette question depuis des années.
     Tout allait si mal… À son tour, il ramassa unepoignée de
     cailloux et imita son ami. Ti-Georges reprit :
    — J’ai pus de maison, pus de travail, pus d’argent... Y me reste rien qu’un tas
     de vieux meubles entreposés dans la grange du beau-père. Y doivent avoir tout
     gauchi depuis le temps. J’ai pus rien, pus rien, François-Xavier, pus rien ! Pis
     bientôt, j’aurai même pus de femme...
    Ti-Georges étouffa un sanglot. François-Xavier ferma un instant les yeux de
     désespoir. Quelles paroles de réconfort pouvait-il trouver quand lui-même se
     sentait au bord du gouffre ? Il prit une grande inspiration et mit la main sur
     l’épaule de son ami.
    — On va s’aider, mon Ti-Georges. On va se serrer les coudes pis on va trouver
     une solution… Un petit caillou tout seul, c’est emporté par le courant, mais à
     plusieurs, ils forment le lit d’une rivière…

    À l’aube, Julianna passa la tête dans l’ouverture de la tente. Elle portait un
     bassin d’eau et un linge.
    Marguerite bougea un peu et émit une plainte. Elle entrouvrit les yeux, eut un
     petit sourire et les referma.
    Toute la nuit, Julianna avait pris soin de sa belle-sœur. Celle-ci avait fait
     tant de fièvre ! Julianna toucha le front de la malade et eut un soupir de
     soulagement en constatant sa fraîcheur. Dieu soit loué, Marguerite semblait
     récupérer. À part les enfants, personne ne s’était couché cette nuit. Julianna
     regarda ses neveux et nièces, toujours endormis. Il lui restait un moment de
     répit avant que la meute d’enfants ne se réveille et ne demande à déjeuner.
     Julianna bâilla. Elle serait épuisée aujourd’hui. Distraitement, elle écouta la
     conversation des hommes près du feu mourant. Toute la nuit, ils avaient cherché
     une solution à leur avenir. Léonie leur avait tenu compagnie. Julianna n’était
     pas allée les rejoindre. Marguerite était trop agitée. Elle avait préféré rester
     auprès d’elle. De temps en temps, elle percevait la voix douce de sa tante qui
     posait une question ou qui commentait. Tout enpressant des
     compresses sur le front de Marguerite, Julianna avait suivi l’échange entre les
     hommes. Ils proposèrent que Ti-Georges vienne habiter à Montréal. Cette idée fut
     vite rejetée. Non seulement Marguerite ne supporterait pas un tel déménagement,
     mais il n’y avait pas de travail là-bas. Cela aurait été une folie… Que les
     Gagné retournent vivre chez les Belley était aussi impensable. Et où prendre
     l’argent pour rembourser la banque ? Pour François-Xavier, cela irait. Il avait
     mis de côté l’argent de la vente de la maison de Roberval, plus tout ce qu’il
     avait épargné ces dernières années. Il en avait assez pour payer sa dette.
    Toutes ses économies allaient y passer. Celles qu’il accumulait afin de se
     repartir une fromagerie. Pour Ti-Georges, la situation était différente. Il
     fallait espérer que la banque soit patiente. Le temps que la compagnie lui verse
     son indemnité. Ce n’était pas un montant très élevé et certainement au-dessous
     de la valeur réelle de ses pertes mais il n’avait pas le choix. Henry se porta
     volontaire et décida de faire des démarches pour presser la compagnie de verser
     l’argent. Il prendrait rendez-vous et proposerait un compromis. Il émit à
     nouveau son hypothèse que le supposé voyage de courtoisie que Taschereau avait
     fait à Londres cachait un autre sens.
    — J’imagine très bien notre cher premier ministre, disait-il, en train de faire
     ses royales courbettes et susurrer : « Vous savez, Votre Majesté, que si la cour
     de Londres appuie cette poignée de

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