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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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garder leurs provisions au frais, ils
     avaient creusé un grand trou qu’ils avaient tapissé de mousse, que Delphis avait
     pour tâche d’humecter régulièrement. Dans un autre grand trou, dans le coin
     sableux, avait été déposée une marmite remplie de fèves au lard. Le couvercle
     bien en place, elle avait été enterrée sous un feu de braise, qu’on avait
     entretenu pendant toute la nuit et une partie de la journée du lendemain. Quel
     délice lorsqu’ils avaient sorti de terre la marmite fumante et qu’ils avaient
     dégusté ces bines . Dans un coin du ruisseau, celui bien à l’ombre toute
     la journée, avait été calé un bidon de lait. Julianna et Léonie cuisinaient des
     mets simples mais les enfants avaient l’impression de festoyer à tous les
     repas.
    La troisième journée, une grande surprise arriva. La mère de Marguerite, suivie
     de la timide Rolande se présentèrent au campement, portant à elles seules une
     grosse malle. Elles jetèrent un coup d’œil sur l’installation du groupe, puis
     elles déposèrent la lourde malle par terre et l’ouvrirent. Sans un mot, madame
     Belley en sortit des tartes, des pots de confiture, du miel, du pain frais, deux
     poulets rôtis ainsi qu’un gros jambon. Elle se releva et regarda son unique
     fille. Marguerite sourit tendrement à sa mère. Madame Belley s’approcha d’elle.
     Elle hésita, semblant vouloir dire quelque chose.Cependant,
     elle se détourna de la malade, hocha la tête à l’endroit de Julianna avant de
     quitter la clairière sans un seul mot. Rolande avait tout déposé le butin sur la
     table de pique-nique artisanale et resta un moment à se frotter les mains sur le
     tablier recouvrant sa robe de cotonnade. Elle avait les cheveux coiffés et
     Julianna se dit que la jeune fille était vraiment jolie. Et à en croire le
     visage rougeaud de son neveu Jean-Marie, celui-ci l’avait remarquée aussi.
     Julianna alla au devant d’elle.
    — Bonjour Rolande, moé c’est Julianna.
    — J’sais.
    — Y faudrait mettre quelque chose là-dessus, dit Julianna en désignant les
     victuailles, sinon les mouches vont tout manger avant nous autres mais je ne
     vois pas quoi…
    — J’y ai pensé, répondit avec fierté la jeune fille.
    Rolande alla prendre une grande nappe au fond de la malle. Les deux femmes
     l’étendirent soigneusement sur les plats.
    — Madame Belley, a dit de venir tous les jours voir qui vous manque rien.
    — C’est gentil. Tu diras un gros merci à ta... belle-mère.
    Il était difficile pour Julianna d’imaginer cette jeune fille mariée à
     Paul-Émile... Julianna se promit d’être davantage attentive à François-Xavier.
     Elle se rendait compte qu’elle était privilégiée d’avoir marié un si bon gars.
     Sa présence lui manquait beaucoup. Elle se demanda ce qu’il était en train de
     faire. Elle était à mille lieues de se douter que son mari était en chemin et
     qu’il débarquerait au campement, dans la soirée, éclairé par un fanal et escorté
     par Rolande.

    Quelle joie Julianna ressentit quand l’ombre s’avança à la lumière du feu de
     camp et qu’elle reconnut son mari ! Sans pudeur, elle se jeta à son cou. Sa
     surprise fut encore plus grande quand elle se renditcompte
     qu’il n’était pas seul. Cher Henry, il avait une drôle d’allure, dans la forêt,
     tiré à quatre épingles comme à son habitude. Jean-Marie se fit un plaisir de se
     sacrifier afin de raccompagner Rolande à la ferme. À la déception de
     l’adolescent, son jeune frère Elzéar tint à être de la partie. Une chance que le
     sentier était bien marqué.
    On expliqua aux deux nouveaux venus la raison de cette vie à la belle étoile.
     Autour du feu, on chuchota pour ne pas réveiller Marguerite et les petits,
     endormis dans la tente principale. Quand Julianna demanda ce qu’Henry venait
     faire ici, celui-ci jeta un drôle de regard à François-Xavier. Son mari lui fit
     signe de ne pas insister. Avec résignation, il attaqua le sujet tant
     redouté.
    — Henry pis moé, on a une ben mauvaise nouvelle à vous annoncer... Londres veut
     rien faire pour nous autres.
    — La cour de Londres, a l’a donné sa réponse ? demanda Ti-Georges.
    — La compagnie a gagné... On a pus aucun recours.
    Un lourd silence suivit cette déclaration.
    D’une sombre voix, François-Xavier reprit.
    — Non seulement on aura pas une cenne, mais y faut tout payer les dettes

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