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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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savaient leur mère malade, ils sentaient sa souffrance, ils devinaient la mort
     proche, même les plus petits. Surtout eux. Comme un animal sent qu’un autre de
     sa race est plus faible. Les jumeaux clopinèrent jusqu’à leur mère et tendirent
     leurs bras.
    — Maman peut pas vous prendre, mes amours... dit Marguerite en les serrant
     contre elle.
    Elle se retourna, des larmes coulant sur ses joues.
    — C’est encore mieux que c’que j’pensais. Vous pouviez pas avoir une meilleure
     idée... Chus ben ben heureuse.
    Elle vacilla. De concert, Julianna et Ti-Georges vinrent la soutenir.
    — T’es fatiguée, il faut te coucher, la chicana Julianna.
    — On peut-tu m’apporter mon lit dehors ?
    Son mari fit signe que oui.
    Les enfants se précipitèrent et Marguerite fut confortablement installée sur ce
     lit de camp improvisé. Une fois qu’elle eut repris son souffle, Marguerite
     ordonna à tout son petit monde :
    — Astheure, j’veux voir rien que de la bonne humeur !

    Les jours suivants furent merveilleux. Les jumeaux jouaient sur le bord du
     ruisseau, Samuel s’inventa une flotte de petits bateaux et Sophie entreprit
     d’apprivoiser un tamia. Delphis travailla fort à la construction d’un arc et
     Elzéar décida qu’il allait attraper une truite.Jean-Marie ne
     quittait presque pas sa mère et préférait rester près d’elle à écouter Julianna
     leur faire la lecture à haute voix de l’histoire d’un certain Séraphin. Léonie
     préparait les repas et Ti-Georges s’occupait du bon fonctionnement du campement.
     Il ramassait des branches mortes, prenait soin du feu et s’octroyait quelques
     siestes dans l’herbe. Même le Bon Dieu se mit de la partie et n’envoya pas une
     goutte de pluie. On se rendit compte que jamais auparavant, on ne s’était permis
     de telles vacances. Ne rien faire était un luxe qu’on ne pouvait s’offrir.
    Ti-Georges se croyait au paradis. Pas de travail sur la ferme du beau-père à se
     faire humilier. Il regarda ses enfants. Ils riaient comme cela faisait des
     années que ce n’était pas arrivé. Ce n’était pas croyable, un tel état de paix,
     de bonheur. Si Marguerite n’avait pas été malade... Évidemment, Ti-Georges avait
     beaucoup de points d’interrogation. Qu’est-ce qu’il allait faire avec sept
     enfants ? Les jumeaux n’avaient que deux ans ! Après la terrible dispute et les
     coups échangés aujourd’hui, il était hors de question qu’il retourne habiter
     chez ses beaux-parents. Il s’accrochait à l’espoir que le tribunal de Londres
     leur donne raison. L’avocat du comité de défense croyait qu’ils gagneraient leur
     cause. Il leur répétait qu’ils possédaient toutes les preuves voulues. La
     réponse devrait arriver bientôt. Londres forcerait la compagnie à leur payer un
     montant juste et équitable pour les dommages causés par le barrage et paierait
     également tous leurs frais d’avocat. Il aurait son argent et il se rachèterait
     une petite ferme. Il n’y avait pas d’emplois nulle part. Les gens de la ville
     venaient s’établir et se défricher un coin de terre. Ti-Georges pourrait
     recommencer lui aussi. Dans cette clairière, au milieu des bois, Ti-Georges
     essayait de toutes ses forces de ne pas démontrer son angoisse et de cacher sous
     un air jovial et des blagues la peur de l’avenir qui l’habitait. Peut-être que
     Léonie avait raison. Le Bon Dieu les avait tous pris au creux de ses immenses
     mains pour les bercer, pour qu’ils se reposent et reprennent des forces avant la
     prochaine épreuve…
    Quelquefois, Marguerite faisait venir près d’elle un membre de
     sa famille et passait un moment privilégié avec lui. Sophie avait appuyé sa tête
     sur la poitrine de sa mère et Marguerite avait longuement caressé les cheveux de
     sa fille. Les jumeaux s’étaient carrément endormis, lovés sur leur mère, et
     Marguerite avait pleuré silencieusement la peine qu’elle avait de ne pas les
     voir grandir. Avant que la noirceur tombe, le lit était transporté à l’intérieur
     de la tente. Marguerite dormait beaucoup et se couchait tôt, en même temps que
     les petits. Les autres restaient longtemps à veiller dehors autour du feu. On se
     coupait d’énormes tranches de pain que l’on faisait cuire au bout d’une longue
     branche et lorsqu’elles étaient rôties à point, on mettait dessus une épaisse
     couche de beurre et de confiture. Pour

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