La chapelle du Diable
sa mère adoptive.
— Vous êtes merveilleuse, lui chuchota-t-elle à l’oreille.
En fin de compte, sa marraine était peut-être vraiment
connectée au Bon Dieu…
Henry se dit que cette famille avait bien de la chance de s’avoir et se jura de
tout mettre en œuvre pour aider Ti-Georges. François-Xavier, lui, resta
silencieux. Il était jaloux. Non pas que Léonie donne de l’argent à Ti-Georges,
oh non ! S’il avait pu, il aurait fait la même chose. Non, il était jaloux que
son ami puisse se racheter une terre. Il aurait donné n’importe quoi pour faire
la même chose au lieu de retourner travailler à Montréal. Toutes ces années, il
les avait endurées en s’accrochant à cet espoir, se racheter une ferme.
Maintenant cela serait impossible. Le diable semblait avoir un malin plaisir à
lui mettre des bâtons dans les roues…
C’est ainsi que Ti-Georges se retrouva en possession d’une nouvelle ferme. Il
était parti à sa recherche dès le lendemain de l’annonce de Léonie sur
l’insistance de Marguerite qui lui jurait qu’elle se portait beaucoup mieux.
François-Xavier prit la relève au campement. Comme Henry souhaitait rencontrer
l’avocat du comité de défense, Ti-Georges décréta que Chicoutimi était l’endroit
idéal pour s’informer des fermes à vendre. Les deux hommes prirent donc la route
en direction du Saguenay. Ils passèrent par Saint-Ambroise, un petit village au
nord de Chicoutimi. Soudain, en sortant d’un rang, Ti-Georges arrêta l’attelage.
Henry se demandait bien ce qui se passait. Son compagnon sauta en bas de la
voiture et s’empressa de remonter un chemin de sable menant à une vieille maison
de ferme. Là Henry vit ce qui avait attiré l’attention de Ti-Georges. Sur un
petit panneau de bois cloué sur un des poteaux du perron était inscrit en
lettres malhabiles : À VENDRE. La maison ne payait pas de mine mais elle était
grande. Elle avait une cuisine d’été et plusieurs chambres. Une bonne grange
solide, un poulailler et des champs à perte de vue, déjà seméset en pleine production. Ce n’était pas le grand luxe, pas d’électricité pas
de puits, rien qu’une longue pointe fichée loin dans la terre sablonneuse et qui
servait à extraire l’eau grâce à une pompe qu’on lui raccordait. L’hiver, il
fallait désactiver le mécanisme. Enfin, Ti-Georges trouverait bien un moyen
d’arranger un peu mieux les choses. Avec ses fils, il ne manquait pas de bras.
Il en aurait préféré une autre, mais celle-ci avait l’avantage d’être libre très
vite et d’un prix raisonnable. Il lui resterait même assez d’argent pour acheter
des animaux. Le propriétaire était mort subitement et la veuve n’avait pas le
cœur à la ferme. Ils n’avaient pas eu d’enfants et elle ne pouvait pas s’en
occuper. De toute façon, l’occasion était belle de partir vivre chez une de ses
sœurs. Elle laissait même les meubles ! Ti-Georges écouta poliment la femme lui
raconter ses déboires, visita la maison et serra, en une promesse verbale
d’achat, la main de la veuve. Ce fut un homme heureux qui rembarqua dans la
voiture à cheval et qui continua son chemin vers Chicoutimi. Enfin, la vie se
décidait à être bonne pour lui. Ses années de malheur étaient terminées, la
chance lui souriait de nouveau.
Ti-Georges était reconnaissant à sa tante pour tout ce qu’elle faisait. Il n’en
revenait pas encore. Le déménagement fut très rapide et, la semaine suivante,
ils étaient installés tant bien que mal dans leur nouveau chez-soi. Julianna
était repartie à Montréal avec François-Xavier. Au grand étonnement de
Ti-Georges, sa belle-mère et sa nouvelle belle-sœur Rolande vinrent jusqu’à
Saint-Ambroise leur donner un coup de main pour emménager. Aidées de Léonie,
elles nettoyèrent la maison de fond en comble. Marguerite était souriante et on
espéra que les docteurs se soient trompés.
Pour sa part, Léonie ne regrettait pas sa décision, au contraire. S’occuper de
toute cette maisonnée l’aidait à retrouver la paix de l’âme perdue depuis son
veuvage. Elle aimait bien ce village. Il était facile d’atteler le cheval et de
se rendre à la belle église de pierres rouges. Le curé y était gentil. Léonie
avait l’impression de se refairedes racines. Elle parlait
beaucoup avec Marguerite qui se berçait sur la
Weitere Kostenlose Bücher