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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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galerie. La vue y était si
     belle : toutes ces montagnes qui se découpaient, majestueuses, lointaines et
     proches en même temps. Ti-Georges était heureux. Il se démenait à l’ouvrage. Lui
     aussi se sentait revivre. Il reprenait espoir. La récolte serait bonne. La
     compagnie l’avait assuré d’un règlement à l’amiable dans les prochaines
     semaines. Il pourrait ainsi rembourser sa dette envers l’institution
     bancaire.
    Jean-Marie faisait de son mieux pour aider, mais son infirmité lui nuisait pour
     certains travaux. Ti-Georges ne pouvait masquer son impatience face à la
     maladresse de son aîné. Avoir un fils infirme était une calamité. Au moins,
     Elzéar était fort et rapide. Cependant, il était paresseux et passait son temps
     à se sauver pour aller pêcher dans la rivière longeant la terre. Marguerite
     allait beaucoup mieux. Oh, elle n’avait pas la force de faire des corvées mais
     elle tricotait un peu et rien que voir sa mine réjouie et sereine valait un vrai
     miracle. Sophie ne cessait de lui confectionner des couronnes de marguerites
     dont elle avait découvert avec plaisir l’abondance sur le terrain en arrière du
     poulailler. Pour la petite fille, récolter des fleurs du même nom que sa mère
     relevait de la plus grande joie.
    C’était une fin d’été au temps si doux. Le soleil brillait à tous les jours. Il
     ne pleuvait que la nuit. Marguerite commençait à croire que le Bon Dieu avait
     vraiment oublié de venir la chercher. En fait, il avait juste décidé de venir
     chercher quelqu’un d’autre.
    Que la vie ou plutôt la mort est capricieuse ! Un matin du début de l’automne,
     le curé Duchaine arriva et vint annoncer à Marguerite qu’il avait reçu un appel
     téléphonique de son collègue de Péribonka. Il y avait eu un décès chez les
     Belley. Paul-Émile coupait un arbre qu’il trouvait trop penché et avait reçu une
     grosse branche sur la tête. On l’avait retrouvé, du sang suintant par les
     oreilles. Marguerite ne versa pas une larme. Elle ne ressentait pas de peine
     pour son frère, seulement un sentiment étrange. Il n’était plus là. C’est cela
     la mort,pouf, on n’est plus là... Sur la recommandation du
     docteur, Marguerite n’alla pas aux funérailles. Elle envoya Ti-Georges et
     Jean-Marie avec ordre de ramener la jeune veuve, la pauvre Rolande, même s’il
     devait pour cela utiliser la force. Pour être bien certaine que son père
     n’empêcherait pas la jeune femme de venir à Saint-Ambroise, Marguerite écrivit
     une courte missive à ses parents, ordonnant à ceux-ci d’acquiescer à sa demande,
     et la remit à son mari avant son départ. Elle pensait si souvent à cette jeune
     Rolande. Elle était toute menue et lui rappelait un chaton martyrisé. La savoir
     entre les mains de son frère lui avait été intolérable. Mais Paul-Émile était
     mort. Il ne ferait plus de mal à personne...
    Ti-Georges revint à la fin de la semaine avec une Rolande aux traits tirés et
     au regard songeur. Elle se jeta aux pieds de Marguerite et se mit à sangloter
     sous le regard gêné de Jean-Marie qui suivait avec une petite valise.
    — Allons, allons, la calma Marguerite. C’est-tu la mort de mon frère qui te
     fait de la peine de même ? demanda-t-elle, un peu étonnée.
    La jeune fille avait-elle aimé son époux ? Peut-être avait-elle présumé de
     certaines choses ?
    — Chus juste ben... ben redevante que vous m’ayez invitée icitte, sanglota
     l’adolescente.
    — Appelle-moé Marguerite pis dis-moé « tu », t’es ma p’tite belle-sœur. Allons,
     chut... Léonie aura pas besoin de laver le plancher si ça continue.
    — Chus travaillante, Marguerite, tu vas voir, j’vas aider dans la maison. Tu
     vas me garder icitte... pour toujours ?
    Marguerite reconnut la détresse de cette demande. Elle l’avait tant vécue
     elle-même. Pauvre Rolande… Elle ne savait tellement plus ce que l’avenir lui
     réservait. Au moins ici, elle se sentait en sécurité.
    — Ben oui, ma belle... Mais t’auras juste à faire ta part. T’es de la famille,
     pas une servante. Arrête de pleurer, t’es juste ben fatiguée. T’as pas dû dormir
     ben gros cette semaine. Ti-Georges nous a trouvéune grande
     maison. On a de la place pis si tu veux m’aider avec les jumeaux, ça sera pas de
     refus. On dirait que chus faite en guenille astheure. Allez, va te reposer ma
     chouette.
    — Merci

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