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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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prendre connaissance.
    — Oh non... C’est pas vrai... fit-elle dès le début.
    Elle en interrompit la lecture. Blême, elle passa la lettre à Marie-Ange et
     attendit en silence que celle-ci lise les premières lignes.
    — Oh non... fit-elle à son tour.
    Ti-Georges annonçait que la banque qui avait consenti les prêts pour couvrir
     les frais du comité de défense voulait son argent. Et tout de suite.
     L’institution bancaire refusait de patienter et sommait Ti-Georges, dans un
     délai très court, d’honorer sa dette ou de subir les fâcheuses conséquences d’un
     recours légal.
    — Qu’est-ce que ça veut dire ? demanda Julianna.
    — Ça augure pas bien. La banque va procéder.
    — À quoi ? demanda sa femme.
    Marie-Ange avait compris, elle.
    — Ils vont le saisir, souffla-t-elle.
    — Oui, admit François-Xavier. La nouvelle terre, les animaux, la maison, les
     meubles, tout. Tout ce que possède Ti-Georges va être mis aux enchères dans un
     peu plus d’un mois. C’est écrit plus loin.
    Marie-Ange reprit la lettre. Cette fois, les deux femmes lurent en même temps,
     penchées l’une sur l’autre.
    — Le 8 mai prochain, fit Marie-Ange en relevant les yeux.
    — Oui, ils vont tenir une vente aux enchères à sa nouvelle ferme de
     Saint-Ambroise, confirma François-Xavier.
    Julianna redonna la lettre à son mari.
    — Y va y avoir un shérif pis des gens de la compagnie.
    Les larmes aux yeux, elle recouvrit de la sienne la main de son
     mari.
    — Y faut faire quelque chose. On a pas assez d’argent pour rembourser la banque
     à sa place ?
    — Non, la somme est beaucoup trop élevée. Et Ti-Georges refuse que ta tante
     Léonie lui en donne encore. Il a sa fierté et de toute façon, monsieur Morin a
     clairement fait entendre qu’il n’y avait pus assez de liquidités. Ce serait
     mettre tout l’avenir du magasin en péril.
    — Henry est au courant ? demanda Julianna.
    — Je l’ai averti. Y doit être à la veille d’arriver, répondit-il. On va essayer
     de voir ce qu’on peut faire pour Ti-Georges. Mais vraiment, je vois pas
     quoi…
    Autour de la table, le silence se fit. Tout à coup, découragé, en colère,
     François-Xavier envoya valser sa tasse de café avant de s’effondrer la tête
     entre les mains.
    Les femmes eurent un petit hoquet de surprise devant le geste. Cependant, elles
     ne protestèrent pas. Un peu de café sur les murs se nettoyait, une tasse brisée
     se recollait, mais devant le désespoir d’un homme, on ne pouvait que rester
     impuissant.

    Ti-Georges ne savait plus à quel saint se vouer. Demain, le délai imposé
     jusqu’au 8 mai arriverait à échéance sans qu’il ait trouvé de solution. Les
     autres membres du comité qui, comme lui, se retrouvaient dans cette pénible
     situation avaient essayé toutes les avenues possibles afin que la banque
     revienne sur sa position. Leur intransigeance avait soulevé des doutes. Il était
     évident que l’institution financière était de mèche avec la compagnie qui
     retardait les dédommagements. On voulait les mettre sur la paille et leur faire
     durement payer d’avoir voulu leur résister.
    Ti-Georges se sentait terriblement abandonné. Par la justice, parleur gouvernement, par leurs concitoyens... par Dieu. Il
     s’était mis à rudoyer les enfants et avait succombé au péché de son père, la
     boisson. Lui qui avait juré ne jamais ressembler à son paternel en était devenu
     le portrait craché. Caché dans un coin de la grange, il trinquait, seul, à la
     santé de tout et de rien.
    — À la santé de Taschereau !
    Et une lampée.
    — À la santé de… la justice !
    Et une autre rasade ! Il porta ainsi bien des toasts puis, à bout d’idée, il en
     émit un dernier.
    — À la santé de… d’Augustin Belley !
    Georges leva sa bouteille en l’honneur de la naissance du fils de Rolande, né
     au début du mois. Son esprit embrumé laissait vagabonder toutes sortes de
     pensées. Il imaginait Rolande, couchée dans un lit, là-bas, à Péribonka, et il
     vit clairement ses seins gonflés par la maternité. Il voulut se masturber et
     passa une de ses mains par sa braguette. Son veuvage lui pesait tellement. Toute
     sa vie lui pesait. Il aurait besoin de réconfort, d’une femme dans son lit,
     d’amour... Qui voudrait d’un homme acculé à la faillite ! Il retira sa main.
     Cela ne lui disait plus rien. Il regarda la poutre de la grange et

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