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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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il se vit en
     train de s’y balancer, au bout d’une corde. Il s’endormit, ivre mort, avec cette
     dernière image en tête.

    Jean-Marie le retrouva, tôt le lendemain matin, au même endroit. Un air de
     pitié passa sur son visage. Son père était saoul mort et ronflait bruyamment. Il
     empestait un mélange d’alcool, de sueur et de vomi. Le jeune homme le regarda un
     moment. Un père doit représenter aux yeux de son fils ce qu’il y a de plus fort,
     de plus grand. Il doit être l’exemple à suivre. Jean-Marie souleva la tête de
     l’homme et l’interpella.
    — Papa, papa, vous m’entendez-tu ?
    Ti-Georges grommela. Jean-Marie soupira. Lui qui voulait annoncer son départ
     pour les États-Unis. Il avait décidé qu’il irait voir Rolande et qu’il lui
     demanderait de l’attendre un an ou deux, le temps qu’il revienne avec de quoi
     les établir. En attendant, il ne serait plus à la charge de personne et il
     pourrait même envoyer régulièrement un peu d’argent à sa famille. Comment faire
     part de cette décision en un tel moment ? Tout à l’heure, la ferme serait
     vendue, morceau par morceau. Le shérif était arrivé et attendait dehors que
     Jean-Marie lui ramène son père. Il revint à la charge et tenta encore une fois
     de réveiller son paternel. C’est à peine si celui-ci maugréa. Alors il prit les
     grands moyens et alla remplir un seau d’eau fraîche. Sans ménagement, il en
     renversa le contenu sur la tête du soûlard. Ti-Georges s’ébroua et
     protesta :
    — Bateau de bateau ! Es-tu viré fou ?
    — Je m’excuse, son père, mais le shérif est arrivé. L’encanteur va pas tarder
     itou. Y veut vérifier la liste.
    — Oh ouais le shérif, dit Ti-Georges en essayant de se remettre les esprits en
     place. C’est le jour de l’abattoir…
    — Voyons, son père...
    — Aide-moé à me lever. Bateau que j’ai soif... Y reste-tu de l’eau ?
     demanda-t-il en désignant le seau.
    Jean-Marie y jeta un œil et répondit par l’affirmative.
    — Un peu. Pis je vous ai emmené une chemise propre itou.
    Ti-Georges but à même le récipient le reste du liquide. Il se sentit un peu
     mieux. De ses doigts, il peigna ses cheveux frisés et mouillés. Tout en
     changeant de vêtements, le regard fermé, il demanda :
    — Ton oncle Rousseau est-tu là ?
    — Non. Lui, matante Léonie pis monsieur Vissers sont encore partis au village
     ben de bonne heure à matin. Matante Léonie a m’a dit de prendre soin des
     petits.
    — Pourtant y étaient supposés être avec moé à matin.
    D’un air détaché, Ti-Georges haussa les épaules. Peut-être que
     sa famille l’avait abandonné aussi.
    — Bon, envoye, que j’aille dire bonjour à ce cher shérif, reprit-il. À cause de
     toé j’ai l’air d’un chien noyé... Va t’occuper de tes frères pis de ta sœur. Pis
     je t’avertis, j’veux pas en voir un de la journée, sinon t’en manges toute une.
     Tu les emmènes comme convenu chez madame Gagnon du rang trois. Tu reviendras
     avec la noirceur pis pas avant.
    — Oui, son père. J’atèle pis j’y vas.
    — T’atèles rien pantoute. La jument va être vendue tantôt. Monsieur Gagnon va
     venir avec sa charrette vous chercher.
    — Ah, bon, ben j’y vas.
    — Fais juste les habiller, a va leur donner à déjeuner itou.
    — Comme vous voulez.
    Jean-Marie quitta la grange en se disant que peu importe ce qu’il faisait, ce
     ne serait jamais assez bien aux yeux de son père. S’il n’avait pas eu cet
     accident stupide, enfant, et s’il ne boitait pas, tout serait différent… Un
     jour, son père le remercierait, il serait fier de lui. Il reviendrait riche et
     il paierait toutes les dettes de la famille, il lui achèterait une belle grande
     ferme et un beau tracteur neuf. Son père verrait qu’il n’était pas rien qu’un
     infirme.
    Resté seul, Ti-Georges regarda un instant la poutre du plafond et l’image de sa
     pendaison lui revint en force. Il y avait bien des façons de tuer un homme...
     Résigné, se traînant les pieds, Ti-Georges se dirigea à la rencontre du shérif.
     Le représentant de la loi attendait patiemment près de son automobile, faisant
     tourner son chapeau entre ses mains, visiblement mal à l’aise d’être là.
    « Allez, Ti-Georges, c’est l’heure de la saignée ! »

    Julianna et Marie-Ange, restées à Montréal, s’affairaient à
     faire le grand ménage. À l’extérieur,

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