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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Yvette, va voir si Laura a pas mangé tout
     cru ton frère Pierre, on les entend pus. Pis si a l’a mangé tout cru, ben
     dis-lui de le faire cuire la prochaine fois. Ça donne des vers dans le ventre,
     manger cru !
    — Marie-Ange !
    — Ah ! si on peut pus faire des farces astheure. Tu m’fais penser à
     Léonie.
    — Chus juste ben inquiète pour ce qui se passe aujourd’hui à Saint-Ambroise,
     expliqua Julianna. J’ai hâte de savoir si le plan de Henry pis François-Xavier
     va marcher..
    — Moé itou... C’est pas pour rien qu’on fait le grand ménage aujourd’hui.
     C’était ça ou je me rongeais les ongles jusqu’au bras !

    À la ferme de Saint-Ambroise, tout était prêt pour commencer la vente aux
     enchères. Il y avait beaucoup plus de monde que ce à quoi Ti-Georges
     s’attendait. Une bonne quinzaine d’hommes du village et quelques femmes
     s’étaient réunis dehors en avant de la grange, face à la table que l’encanteur
     avait placée à cet endroit. Parmi eux se trouvaient le curé, le notaire et même
     le maire. Ils étaient arrivés par petits groupes de deux ou trois, une
     expression indéchiffrable sur le visage. Ils étaient silencieux, attendant le
     début de la vente. Ti-Georges resta un peu à l’écart. Le dos courbé, les mains
     dans les poches, il s’apprêtait à subir cette cruelle pratique humiliante et
     déshonorante. Il aurait donné cher pour retourner à sa cachette de lanuit, retrouver une bonne bouteille d’alcool et
     l’engourdissement bénéfique que son contenu lui procurait. François-Xavier,
     Henry et Léonie venaient juste d’arriver à leur tour et c’est à peine s’ils
     avaient eu une minute pour saluer Ti-Georges et lui faire un sourire de
     réconfort. Un représentant de la banque et un homme de la compagnie se tenaient
     aux côtés du shérif. Le banquier avait le regard fuyant tandis que l’homme de la
     compagnie arborait un air victorieux et même fendant, comme François-Xavier le
     décrirait plus tard. Sans plus tarder, le maître de l’encan débuta. Il se racla
     la gorge. Après les formalités d’usage, il expliqua :
    — On va commencer par la vente du troupeau. On a une belle vache laitière de
     race canadienne, toute brune, âgée de deux ans pis le prix est fixé à une
     piastre.
    Un long silence suivit la description. Ti-Georges garda les yeux baissés sur le
     bout de ses souliers. Avec un peu d’impatience, l’encanteur répéta l’offre de
     départ. Ti-Georges releva les yeux devant le silence qui persista. Il y avait
     une drôle d’atmosphère dans le groupe d’acheteurs. La plupart avaient les bras
     croisés et Ti-Georges se rendit compte qu’il se dégageait d’eux une indéniable
     antipathie envers les instigateurs de cet encan. Cela le réconforta un peu. Au
     cours des dernières semaines, tout le village lui avait témoigné son appui. On
     connaissait les événements survenus au Lac-Saint-Jean et la lutte du comité de
     défense. La majorité des habitants de Saint-Ambroise était d’accord avec le
     combat des cultivateurs. Que la banque procède ainsi, avec barbarie, à la saisie
     des biens de ce monsieur Gagné, qui avait osé défier la compagnie, les
     révoltait. Pour la troisième fois, l’encanteur refit l’offre d’une
     piastre.
    Enfin, un homme à l’avant des autres leva sa main et annonça d’une voix forte
     et claire :
    — Une piastre et demie.
    Marquant la surprise, l’encanteur hésita. Il prit sur lui et releva
     l’offre.
    — Une piastre et demie, qui dit mieux ?
    Un autre lourd silence. Le pauvre encanteur, désarçonné, jeta un regard
     circulaire sur le groupe. Il conclut la première vente.
    — Une piastre et demie une fois, une piastre et demie deux fois, une piastre et
     demie trois fois, adjugé au monsieur ici en avant avec la casquette brune.
    Personne ne bougeait, personne ne parlait, on attendait la suite. L’encanteur
     poursuivit avec une deuxième vache et le même prix de départ. Un autre silence,
     puis une autre main et une seule offre à un dollar cinquante. Cette fois, un
     homme à la chemise à carreaux se la vit attribuer. Le trio représentant la
     banque se regarda en se demandant bien ce qui pouvait se passer. Décontenancé,
     l’encanteur balbutia pour la première fois de sa carrière.
    — Je… je continue ou on arrête la… la vente ? demanda-t-il au shérif.
    Ce fut le représentant de la compagnie

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