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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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était encore plus belle. Il accrocha son regard et lui fit un
     sourire éclatant de bonheur. Celle-ci lui en offrit un timide en retour. Elzéar
     était parti à sa pêche du soir, à laquelle il avait droit quand toutes les
     corvées étaient finies. Léonie était intraitable et il n’était plus question
     qu’il disparaisse sans crier gare. Les autres enfants étaient tous au lit.
     Là-dessus aussi, Léonie était d’une rigueur sans pareille. À sept heures précis,
     chaque enfant devait avoir les yeux fermés.
    Tandis que sa tante embrassait affectueusement Rolande, Jean-Marie s’approcha
     et retint la jument qui s’impatientait. Après une si longue absence, l’animal
     rêvait de retrouver enfin son écurie.
    Léonie se pencha vers le paquet que Rolande tenait encore contre son
     cœur.
    — Je suppose que c’est monsieur Augustin Belley !
    Rolande découvrit le bébé et Léonie put l’admirer.
    — Ah le beau petit homme ! s’extasia Léonie. J’avais assez hâte de le
     voir.
    Ti-Georges débarqua la valise de la jeune femme et fit signe à Jean-Marie
     d’aller dételer.
    Léonie s’adressa à son neveu.
    — Pis, Ti-Georges, as-tu trouvé ce que tu cherchais ?
    Ti-Georges déposa le bagage par terre et, les mains sur les hanches, un peu
     timide tout à coup, il répondit :
    — Oui, matante, la v’là la pièce manquante.
    Curieux, Jean-Marie, qui emmenait doucement l’attelage vers l’écurie, se
     détourna pour voir de quoi il s’agissait.
    — Rolande est pas rien qu’en visite, continua Ti-Georges en reprenant de
     l’assurance. Astheure, le bébé s’appelle Augustin Gagné.
    Léonie eut un hoquet de surprise. Jean-Marie, lui, un mouvementde recul. La jument s’ébroua de mécontentement. Léonie et Jean-Marie
     regardèrent, ahuris, le couple.
    — Rolande pis moé, on s’est mariés à matin à Péribonka.

    L’univers de Jean-Marie s’écroula. Personne ne se rendit vraiment compte de son
     désarroi. Tout de suite après l’annonce de son remariage, Ti-Georges lui fit
     signe à nouveau de s’occuper de l’attelage. Les nouveaux mariés s’engouffrèrent
     dans la maison, escortés de timides vœux de bonheur de Léonie. Jean-Marie put à
     loisir aller panser sa déception dans la grange. Presque sans s’en rendre
     compte, il libéra le cheval de sa charge, lui retira sa selle et son harnais et
     le fit entrer dans sa stalle. Le cœur battant, les tympans bourdonnants, il
     appuya son front sur le rebord de l’enclos. Il avait la nausée, il était
     désorienté. Il avait envie de s’enterrer vivant… Ce n’était pas possible. Sans
     savoir pourquoi, il eut le réflexe d’aller dans le coin de la grange. Il savait
     qu’il trouverait là une des fameuses bouteilles cachées par son père. Cela lui
     procurerait un oubli provisoire vital à cet instant. En grimaçant, il but une
     grande rasade du flacon. À la nuit tombée, quand Elzéar rentra de la pêche et
     qu’il vint ranger son matériel, son attention fut attirée par un drôle de
     gargouillis. Encore de la vermine, se dit l’adolescent.
    Découragé, il garda le fanal qu’il avait emmené avec lui. Il adorait pêcher au
     crépuscule et il n’était pas rare, comme ce soir, qu’il reste jusqu’à la
     complète noirceur. C’était à ce moment qu’il faisait ses plus belles prises. De
     sa main libre, il échangea sa perche contre la fourche à foin accotée sur le
     mur. Lentement, pointant son arme devant lui, il s’avança sans faire de bruit.
     Le seul rat que le halo de sa lanterne éclaira fut son grand frère Jean-Marie en
     train de sangloter tout bas, la tête entre les jambes. Elzéar, mal à l’aise,
     resta un instant immobile à se demander quoi faire. Il remarqua le flacon de
     rhum et se dit queJean-Marie risquait gros si leur père
     apprenait qu’il buvait en cachette. Elzéar aussi avait ses petits secrets comme
     de cacher du tabac près de la crique où il pêchait...
    Jean-Marie remarqua la présence de son frère. Se mouchant le nez de sa manche,
     il pleurnicha :
    — Elzéar, papa... y... y...
    Le jeune pêcheur eut peur. Est-ce qu’il était arrivé quelque chose à leur
     père ? Sa grand-tante Léonie, qui les avait fait prier toute la semaine pour
     veiller sur Ti-Georges, avait-elle eu raison de s’inquiéter ? Il avait eu un
     accident, il était mort ! Elzéar se mit à trembler. Après sa mère, il perdrait
     son père...

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