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La chapelle du Diable

La chapelle du Diable

Titel: La chapelle du Diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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vocalises.
    — Ma-ma-ma-ma-ma-ma-maaaaaaa, mi-mi-mi-mi-mi-mi-miiiiiiiiii,
     mo-mo-mo-mo-mo-mo-moooooo...
    François-Xavier secoua la tête de découragement et referma la porte sur cette
     étrange et peu agréable pratique. Il alla s’asseoir dans un fauteuil du salon
     attendre sa femme. Elle n’avait cessé de luireprocher qu’ils
     allaient être en retard et voilà qu’elle prenait le temps de faire des
     ma-me-mi-mo-mu. Toutes ces préparations pour ce bal qui duraient depuis des
     semaines le dépassaient. Une grande robe pour sa femme, beaucoup trop
     décolletée, presque indécente à son goût… Il trouvait que Julianna ressemblait à
     une poterie dans cette tenue, comme celle dans laquelle on met des fleurs. Et le
     petit habit pour Mathieu... On avait transformé son fils en pantin déguisé. Ce
     fils avec lequel il ne réussissait pas à établir un contact. Avec Pierre, cela
     allait. C’était un enfant normal, mais Mathieu, lui… Il ne jouait presque pas
     dehors, passait son temps, sérieux, derrière son piano.
    François-Xavier se leva et regarda par la fenêtre la vie grouillante de
     Montréal. Il était vraiment contre nature d’élever ainsi des enfants en ville,
     leur terrain de jeu se résumant à une ruelle et des trottoirs. Il pensa à Laura
     qui avait été si malade. Il n’oublierait jamais l’angoisse ressentie lors de ces
     terribles nuits à craindre le pire. Ce devait être l’air, cet air qui puait,
     étouffait... Au bord de son lac, les grands vents chassaient les saletés, ici,
     la pourriture s’amoncelait sous les perrons, dans les caniveaux, dans les caves.
     Les rats étaient maîtres à Montréal. Tout cela avait bien pu avoir une influence
     sur la santé de sa Laura. Il se revit, enfant, construire des châteaux sur la
     plage de sable ou des cabanes dans la forêt. Aller à la pêche, travailler fort
     avec son père qui lui apprenait les rudiments de la ferme et lui transmettait
     ses valeurs. « Ce qui mérite d’être bien fait se doit d’être bien fait », lui
     répétait Ernest. Lui, il n’avait rien à apprendre à ses fils. Ni comment traire
     une vache, ni comment atteler, ni comment fabriquer du fromage... rien. Il était
     inutile ici. Il retira de son cou la petite croix de bois. Il la fit tourner
     entre ses doigts. En lui donnant, Ernest lui avait dit de se fier à la lumière
     de l’objet, que celle-ci le guiderait. Il pressa le pendentif contre ses yeux.
     Au loin, il entendait toujours Julianna effectuer ses vocalises.
    Il se revit au port l’après-midi même. Il avait vu un marin aux cheveux roux,
     lui ressemblant… en plus vieux. Il avait suivi l’homme.Celui-ci
     s’était engouffré dans une taverne à deux rues du port. L’établissement arborait
     une enseigne typiquement irlandaise. Il fallait qu’il parte de cette ville qui
     le faisait mourir à petit feu. Il fallait qu’il emmène ses enfants loin de cet
     enfer, il fallait qu’il parle à Julianna. Il retourna à la chambre.
    — Julianna...
    — Ba, ba, ba, ba, ba, ba, baaaaaaaaa...
    — Julianna... y faut qu’on parle.
    — Bi, bi, bi, bi, bi, bi, biiiiiiiiii...
    — Julianna !
    — Ah François-Xavier, tu vois ben que tu me déranges !
    — Y faut qu’on parle, répéta-t-il. C’est ben important.
    — J’ai pus le temps de toute façon… J’vas aller chercher Mathieu pis on s’en
     va.
    — Y faut qu’on parle avant de partir ! insista François-Xavier.
    Il la prit par les épaules.
    — François-Xavier ! Tu m’fais mal !
    Il la relâcha.
    — Julianna, écoute-moé. J’veux qu’on reparte vivre au lac… qu’on se reparte une
     petite ferme.
    — Ah non ! À chaque année tu me parles de retourner à cette vie…
    — C’est sérieux, Julianna.
    — Pis avec quel argent ?
    — On pourrait se débrouiller, en travaillant fort, ensemble…
    — Tu as le don de toujours tout gâcher ! Ce soir, c’est la soirée la plus
     importante de ma vie ! Tu me parleras de tes maudites affaires une autre
     fois.
    Et Julianna sortit en coup de vent.

    Marie-Ange avait préparé un goûter en l’honneur de la
     prestation du petit Mathieu et de Julianna au bal. Mademoiselle Brassard,
     monsieur Morin et Henry avaient été invités à se joindre à la famille.
     Marie-Ange n’avait pas été offusquée de ne pas aller au bal. Se pomponner et
     jouer à la grande dame n’était pas son fort. Elle avait pris soin des enfants et
    

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