La chasse infernale
et affichant les proclamations sens dessus dessous ?
— Bien entendu, ajouta Corbett, il y a aussi nos étudiants, et le redoutable David Ap Thomas à leur tête. L’as-tu défié, hier soir ?
— Non, Messire, je lui ai fait peur. Mais j’ai remarqué quelque chose : Ap Thomas et ses condisciples portaient des bottes et tous avaient des brins d’herbe humides à leurs pieds et sur leurs vêtements. Qui plus est, au cou d’Ap Thomas et de quelques-uns de ses amis, pendait un charme ou une amulette : une croix au centre de cercles de métal surmontés d’un petit bout de verre en forme d’oeil.
— Une croix celte, expliqua Corbett. J’en ai vu au pays de Galles. Elles sont portées par ceux qui croient à l’ancienne religion et veulent revenir aux jours glorieux des druides.
— De qui ? s’étonna Ranulf.
— Des prêtres païens, précisa Corbett. L’historien romain Tacite les mentionne quand il parle du pays des Angles : ils adoraient des dieux qui vivaient dans des chênes et suspendaient des victimes sacrifiées aux branches.
— Comme les têtes de nos mendiants ?
— Peut-être. Il y a les balivernes de Godric sur des feux et des gens vêtus de façon voyante qui pratiqueraient des rites dans les bois. Mais est-ce notre Gardien ?
Corbett haussa les épaules.
— Revenons à notre réflexion. Qui est le Gardien et comment agit-il ?
Il prit une profonde inspiration.
— Nous savons qu’Ascham était près de la vérité. Il cherchait quelque chose dans la bibliothèque, mais il s’est trahi auprès du Gardien. Ergo...
Corbett effleura sa joue de la plume.
— Ascham était un vieil homme vénérable. Il n’avait pas l’habitude d’aller dans les facultés ni d’errer dans Oxford, et il a donc sans doute fait part de ses soupçons à quelqu’un de Sparrow Hall.
Le magistrat se leva et alla regarder par la fenêtre.
— Je pense que nous pouvons tenir pour certain, dit-il, que le Gardien demeure à Sparrow Hall ou dans l’hostellerie de l’autre côté de l’allée.
— Mais que cherchait Ascham ? demanda Ranulf.
— Cela confirme à nouveau notre conclusion, souligna Corbett. Apparemment Ascham avait sorti un livre et l’avait posé sur la table, mais on l’a, par la suite, remis sur une étagère : tâche facile pour quelqu’un de Sparrow Hall. Bon, continuons. Ascham a été tué par un carreau d’arbalète, tiré par un assassin qui l’a persuadé d’ouvrir la fenêtre de la bibliothèque. Puis le Gardien a jeté une note méprisante. Ascham, sachant qu’il allait mourir, s’en est emparé et a commencé à écrire, avec son sang, ce qui semble être le nom de Passerel. Mais pourquoi ?
— J’ai compris ! s’exclama Ranulf en frappant dans ses mains, surexcité. Messire, comment savons-nous que c’est Ascham qui a tracé ces lettres ? Comment savons-nous que ce n’est pas l’assassin qui, passant par la fenêtre, a pris le doigt d’Ascham, l’a trempé dans son sang et inscrit ces lettres qui incriminent Passerel ?
Corbett revint s’asseoir à la table. Il agita la main pour chasser les mouches qui bourdonnaient autour des taches du bois.
— Je n’avais pas pensé à cela, Ranulf, déclara-t-il. C’est possible ; mais reprenons. On accuse Passerel du meurtre d’Ascham et lui, à son tour, ne s’enfuit du collège que pour être assassiné plus tard à St Michael. Pourquoi l’avoir tué ? Pourquoi ne pas avoir laissé peser l’accusation sur ses épaules et ne pas en avoir fait le possible meurtrier ? À moins, bien sûr, conclut le magistrat, que Passerel n’ait pu se faire l’écho de ce que son ami lui avait confié.
Il s’interrompit et leva les yeux.
— Tu sais, Ranulf, quand nous retournerons à Sparrow Hall, je dois faire deux choses. D’abord, je veux fouiller les biens personnels de Passerel et d’Ascham, et surtout leurs papiers.
Corbett commença à écrire.
— Et ensuite ? demanda Ranulf plein d’espoir.
— Je veux demander à notre bon mire, Messire Aylric Churchley, s’il possède des poisons. Copsale a sans doute été empoisonné et nous savons que ce fut certainement le cas de Passerel et de Langton. Pourtant ces potions sont chères ; de plus, il est probable qu’un apothicaire ou un mire se souviendraient d’un client éventuel...
— Mais Churchley en garde-t-il ?
— Oui, et je pense que le poison dont on s’est servi vient de sa réserve. Quoi qu’il en soit, pour
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