La chasse infernale
sourire mielleux.
— Comment brûle le feu ? demanda-t-il en prenant la main du magistrat. Pourquoi la cire brûle-t-elle plus vite ? Pourquoi se prête-t-elle mieux au feu que le bois ou le fer ?
— Cela dépend de ses propriétés, répondit Corbett en citant Aristote.
— Oui, mais pourquoi ? questionna Churchley en lui faisant signe de prendre un tabouret.
— Je suis justement venu au sujet de propriétés originelles, expliqua le magistrat en changeant brusquement de conversation. Messire Aylric, vous êtes mire, n’est-ce pas ?
— Oui, mais j’étudie surtout le monde naturel, le taquina Churchley en lui rendant la pareille, son visage mince se faisant suspicieux.
— Mais vous exercez bien la médecine ici ?
— Oh, oui.
— Et vous avez une officine ? Une réserve d’herbes et de potions ?
— Bien entendu, répondit-il avec circonspection. C’est un peu plus loin dans le couloir, mais elle est gardée sous clé.
— J’en viens au fait, dit promptement Corbett. Si vous désiriez empoisonner quelqu’un, Messire Aylric – c’est une question et non une accusation –, vous n’achèteriez sans doute pas le produit chez un apothicaire de la ville ?
Churchley eut un geste de dénégation.
— On pourrait remonter la piste, déclara-t-il. Quelqu’un pourrait s’en souvenir. J’achète chez un apothicaire de Hog Lane, précisa-t-il, et tous mes achats sont soigneusement notés.
— Vous ne cueillez jamais d’herbes vous-même ?
— À Oxford ? se moqua Churchley. Oh, on peut trouver un peu de camomille dans les prés autour de Christchurch, Sir Hugh, mais je suis un homme occupé. Je ne suis pas une vieille femme qui passe la journée à déambuler dans les bois comme une vache.
— C’est exact, approuva Corbett. Et c’est la même chose pour l’assassin qui a tué Passerel et Langton.
Churchley se rencogna sur son siège.
— Je vois où vous voulez en venir, Sir Hugh. Vous pensez que les poisons ont été soustraits à l’officine, ici, mais on l’aurait remarqué. Ils sont tous enfermés dans des pots mesurés avec minutie. Ce n’est pas que nous nous attendions à être empoisonnés dans nos lits, reprit-il, mais c’est parce qu’une substance comme l’arsenic blanc est onéreuse. Venez, je vais vous montrer.
Il saisit la chandelle, décrocha un trousseau de clés à un clou planté dans le mur et conduisit le magistrat jusqu’à une porte, un peu plus loin dans la galerie. Il l’ouvrit et ils entrèrent. La pièce était sombre. L’air était chargé de différentes odeurs, certaines agréables, d’autres âcres. Les étagères, sur trois murs, supportaient différents pots, coupes ou jarres au contenu clairement identifié. Sur la gauche se trouvaient les simples : ellébore, violette odorante, thym, coudrier, millet, et même un peu de basilic, mais sur d’autres, à droite, Corbett reconnut des substances plus dangereuses telles que la jusquiame ou la belladone. Churchley prit une jarre de terre munie d’un couvercle. L’étiquette collée sur le côté indiquait qu’il s’agissait d’arsenic blanc. Il enfila une paire de gants en chevreau qui se trouvait sur la table. Il ôta le couvercle et tendit le pot à la lumière de la chandelle. Corbett remarqua que ce dernier était gradué par demi-once.
— Vous voyez, expliqua Churchley, il y a huit onces et demie ici.
Il ouvrit un volume relié en veau qui était sur la table.
— Parfois, continua-t-il, on le dispense en très petites doses pour les douleurs d’estomac et j’en ai donné un peu à Norreys car c’est un très puissant astringent et dépuratif. Mais, comme vous pouvez le constater, il en reste encore huit onces et demie.
Corbett prit le pot et le flaira.
— Faites attention, lui recommanda Churchley. Ceux qui s’y connaissent en herbes disent qu’il faut le manipuler avec précaution.
Le magistrat passa au crible le contenu du pot et remarqua que la poudre, sur le dessus, semblait plus fine que celle du fond. Churchley lui tendit une cuillère de corne dans laquelle Corbett laissa tomber un peu de substance fine comme de la craie. Le mire mit fin à ses recommandations et le regarda faire en silence, l’air plutôt soucieux.
— Vous pensez la même chose que moi, murmura le magistrat.
Il prit un peu de poudre dans la cuillère.
— Messire Churchley, je vous assure que je suis ignorant en matière de remèdes.
Il porta la cuillère à son
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