La chasse infernale
mieux voir la statue de la Vierge à l’Enfant qui se dressait devant une lampe à huile allumée à gauche du maître-autel. Ranulf eut du mal à réciter l’Ave Maria : que lui rappelait la maternité si ce n’est une femme acariâtre qui le giflait et le jetait dans la rue ? Un jour, Ranulf était retourné la voir et l’avait trouvée morte de la peste. Il avait simplement regardé les ramasseurs de cadavres jeter son corps dans une charrette pour qu’il aille rejoindre les autres morts dans la grande fosse à chaux commune au-delà de Charterhouse.
La porte de la sacristie s’ouvrit et le père Vincent entra. Il fit une génuflexion devant le jubé et traversa l’église. Ranulf se leva pour aller à sa rencontre, peu désireux de le surprendre.
— Qui va là ?
Le père Vincent s’arrêta et scruta les ténèbres.
— Ranulf-atte-Newgate !
— J’ai cru entendre du bruit, dit le prêtre.
Il fit tinter son trousseau de clés.
— Il faut que je ferme, à présent.
Il s’approcha et vit le livre que tenait Ranulf.
— Vous faites vos dévotions, Messire ?
— Il prie ! cria Magdalena. Il prie pour que Dieu juge Sparrow Hall !
— Ce sont les Confessions, répondit le jeune homme. Les Confessions de saint Augustin. Je l’ai emprunté à la bibliothèque de Sparrow Hall.
Le père Vincent prit le livre qu’il soupesa entre ses mains.
— Vous aidera-t-il à attraper l’assassin ? demanda-t-il doucement.
— Je ne suis pas ici pour cela, mon père. Je suis venu me recueillir.
— Et désirez-vous que je vous entende en confession ?
Le regard du vieil homme fatigué rencontra celui de Ranulf.
— Voulez-vous être absous, Ranulf-atte-Newgate ?
— J’ai beaucoup péché, mon père.
— L’absolution ne peut être refusée à aucun péché, répondit le prêtre.
— J’ai convoité les femmes et couru le jupon. J’ai bu.
Ranulf reprit le livre.
— Et, surtout, mon père, j’ai tué. J’ai tué un homme cet après-midi.
Le père Vincent recula d’un pas.
— C’était pour me défendre, se justifia Ranulf. J’ai été obligé de le tuer, mon père.
— S’il en est ainsi, expliqua le prêtre, ce n’est pas péché.
— Mais j’ai bien l’intention de tuer à nouveau, ajouta Ranulf. J’ai l’intention de pourchasser l’assassin de mon ami et de mener à bien cette exécution.
— Cela doit s’accomplir selon le processus légal ! rétorqua vivement le prêtre.
— Je veux le tuer, mon père.
Le prêtre se signa.
— Alors, je ne peux vous donner l’absolution, mon fils.
— Oui, mon père, je comprends.
Ranulf fit une génuflexion et, sans se retourner, quitta l’église.
Corbett, assis à son bureau, rapprocha les deux grosses chandelles de suif pour qu’elles baignent de lumière le parchemin qu’il avait devant lui. Dans la cour, dehors, des chiens hurlaient à la lune. De temps à autre des bruits de ripaille montaient de la grand-salle du bas. Le magistrat avait ouvert les volets. L’air nocturne, doux et tiède, était chargé des parfums mêlés de la cour et des odeurs plus puissantes de cuisine et de jardin aromatique. Le clerc se sentait mal à l’aise. Il baissa les yeux sur le morceau de vélin vierge et tenta de rassembler ses idées.
— Qu’avons-nous ici ? murmura-t-il.
Il plongea sa plume dans la corne à encre.
— Le soi-disant Gardien affiche ses lettres sur les portes des églises et des collèges dans tout Oxford. Attaques malveillantes contre le roi, mais qui, mis à part le monarque, s’en soucie vraiment ?
— Qui, parmi les maîtres de Sparrow Hall, pourrait se déplacer aussi vite dans Oxford ? Tripham ? Appleston ? Ce n’est certainement pas Barnett, qui semble passer sa vie déchiré entre péché et repentir. Lady Mathilda avec sa canne frappant les pavés ? Ou le silencieux Moth ? Mais il n’a pas l’air d’avoir tous ses esprits et ne sait pas lire.
— Ascham savait quelque chose. Quel livre était-il en train de consulter ? Pourquoi a-t-il écrit « PASSER ... » avec son propre sang au moment de mourir ?
Et pourquoi Passerel a-t-il été tué si silencieusement à St Michael ?
Le magistrat cessa d’écrire. Ranulf s’était rendu à l’église en disant qu’il voulait prier. Corbett espéra qu’il était en sécurité. Il eut un sourire sans joie en se souvenant de la froide résolution de son serviteur en face de Norreys.
— Langton ? Pourquoi
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