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La chute de l'Empire Romain

La chute de l'Empire Romain

Titel: La chute de l'Empire Romain Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Max Gallo
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les entendre et de les comprendre.
    Et tout à coup, alors qu’elle se tenait immobile dans le grand bassin, ne laissant que son visage hors de l’eau, les mots surgissaient. Symmaque et les autres sénateurs ne les avaient pas chuchotés mais hurlés.
    Et s’effaçaient les cris des combattants, ces cavaliers romains que les flèches transperçaient. Les survivants s’enfuyaient et les légions, qui avançaient encore épaule contre épaule, les boucliers formant une carapace, étaient attaquées sur leurs flancs. Les légionnaires rompaient les rangs, abandonnaient leurs armes et leurs boucliers.
    Les soldats à pied n’avaient même pas pu, tant ils s’étaient serrés, réussir à sortir leur glaive ou à lever le bras. Et ils avaient été frappés par les flèches sans même les voir arriver. Ils tentaient de fuir, et les cavaliers barbares, goths, huns, alains, les massacraient comme s’il s’était agi d’animaux éperdus, ne se défendant plus, cessant même de courir, paralysés par la panique, acceptant leur destin.
    L’empereur Valens n’était que l’un des vingt mille Romains qui moururent ce jour-là.
    Et la chaleur qui écrasait le champ de bataille faisait gonfler les chairs sanglantes.
    Ces morts hurlaient avec Symmaque et tous ces vieux Romains qui avaient entouré Galla Placidia dans sa jeunesse.
    – Ce fut le commencement, répétaient-ils.
    Galla Placidia avait enfoui son visage dans l’eau, ne reprenant sa respiration qu’au moment où elle allait perdre conscience. Elle haletait, criant elle aussi.
    Les servantes se précipitaient, mais Galla Placidia les écartait, refusant qu’on l’aide à sortir du bassin, puis se laissant envelopper dans les étoffes immaculées.
    Elle avait regagné ses appartements, et elle avait aperçu dans le parc qui entourait son palais les soldats de sa garde personnelle.
    Elle restait dans la pénombre à observer ces Barbares, descendants de ceux qui avaient tué l’empereur Valens.
    Ce qui avait commencé à Andrinople, en ce mois d’août 378, douze ans avant que Galla Placidia ne naisse, c’était l’agonie de l’Empire.

4.
    Galla Placidia, cette nuit d’août de l’an 440, en rentrant dans sa chambre, avait porté ses mains à sa gorge, comme si elle avait voulu en arracher ce mot d’« agonie » qui, depuis qu’elle l’avait pensé, murmuré − oui, c’était l’agonie de l’Empire qui avait commencé à Andrinople −, l’obsédait, l’étouffait.
    Elle avait dans un geste violent écarté les pans de la tunique de soie dont elle s’était revêtue, en sortant du grand bassin des thermes.
    Et tout à coup, elle s’était immobilisée, les mains sur ses seins comme pour déchirer sa poitrine, l’ouvrir.
    Elle se souvenait de l’agonie de son père, l’empereur Théodose. Elle n’avait que cinq ans, mais elle souffrait du souffle rauque de son père. Elle le voyait, ses mains griffant sa poitrine, ses bras battant l’air comme s’il avait tenté d’échapper à la noyade.
    Mais il trébuchait, haletait, semblait vouloir crever ce ventre difforme, vider ce sang ou cette eau qui lui emplissaient le corps.
    Les médecins, les guérisseurs murmuraient que la mort était proche, que les organes, le ventre se déchiraient chaque jour un peu plus, qu’on ne pouvait guérir cette hydropisie, étancher ce sang, cette eau, qui noyaient toutes les cavités du corps.
    Lorsque Galla Placidia s’approchait de son père, il lui caressait la joue, les cheveux, mais très vite, le regard vitreux, il se détournait d’elle.
    Il appelait le maître des Milices, Stilicon, un Vandale ambitieux, valeureux, devenu général en chef de l’armée romaine.
    C’est à Stilicon que Théodose avait marié sa nièce Serena, à lui qu’il avait confié la tutelle de son plus jeune fils, Honorius, devenu empereur d’Occident, cependant que son fils aîné, Arcadius, devenait l’empereur d’Orient.
    Galla Placidia n’était que la dernière-née, fille d’un second mariage de Théodose.
    Galla était restée tout le temps qu’avaient duré les dernières étapes de l’agonie, dans la pièce où la mort s’emparait de l’empereur, qui chuchotait à l’oreille de Stilicon.
    Elle observait le Vandale, chez qui plus rien ne rappelait le Barbare. Sa famille depuis soixante ans servait l’Empire : le père de Stilicon avait commandé, sous l’empereur Valens, la cavalerie barbare, les « escadrons aux cheveux

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