La chute de l'Empire Romain
rouges ».
Nombreux étaient ceux qui avaient disparu lors de la bataille d’Andrinople. Et en l’an 395, le 17 janvier, la mort avait emporté Théodose.
Galla Placidia avait observé ses frères.
Elle ne s’approchait jamais d’Arcadius, l’aîné.
Elle se défiait de ce petit homme grêle, de peau si mate qu’elle paraissait presque noire, les yeux toujours mi-clos, comme s’il voulait dissimuler son regard ou parce qu’il somnolait.
Galla Placidia le soupçonnait d’être toujours aux aguets, entouré d’une cour d’eunuques qui le flattait.
Elle le devinait vindicatif, haïssant le préfet du prétoire, Rufin, un Gaulois que l’empereur Théodose avait choisi pour exercer la tutelle sur Arcadius.
Galla Placidia se méfiait aussi d’Honorius, aux humeurs changeantes, passant de l’ardeur à l’abattement.
Galla Placidia, sans comprendre le sens de ces mots − stérile, impuissant − qu’elle avait surpris, ne les avait plus oubliés.
On les répétait dans l’entourage de Stilicon. Galla Placidia faisait mine de ne pas les entendre.
Théodose avait confié Galla à l’épouse de Stilicon, qui la surveillait.
Alors Galla Placidia baissait les yeux, s’efforçant de dissimuler ce qu’elle ressentait.
Elle cachait sa fierté, cette volonté de s’imposer un jour comme l’héritière de Théodose, empereur romain. Elle n’était pas destinée à se soumettre mais au contraire à ordonner.
Galla Placidia dès l’enfance s’était voulue fille de Rome.
5.
Galla Placidia s’était allongée durant chacune des nuits de la fin du mois d’août de l’an 440 sur les dalles de marbre de la terrasse de sa chambre tant la chaleur moite de Ravenne, étouffante, lui collait à la peau.
Le marbre donnait l’illusion d’un peu de fraîcheur.
Galla, bras écartés, ne bougeait pas, et pourtant son corps était couvert de sueur.
Elle se souvenait des mois d’août que, dans son enfance, elle avait passés à Rome.
Les vieux sénateurs, essoufflés, le visage empourpré, venaient lui rendre visite.
Elle était fière de les recevoir, de commander impérieusement aux servantes, aux esclaves, d’apporter des boissons glacées et qu’ils éventent ces vieux Romains.
Ils lui parlaient comme s’ils avaient voulu lui enseigner toute l’histoire de Rome afin de la préparer ainsi à gouverner l’Empire.
Elle se tenait assise, le dos et la nuque raides, attentive, ne perdant aucun de leurs propos.
Ils ne lui cachaient rien, se faisant même l’écho des rumeurs qui, venues de Ravenne, de l’entourage de Stilicon et Serena, de la cour d’Honorius, se répandaient comme une crue boueuse dans les palais et les édifices impériaux.
On racontait que Serena désirait tant que son fils devienne un jour empereur d’Occident qu’elle avait abreuvé de drogues et de poisons l’empereur Honorius. L’empereur avait ainsi perdu toute sa virilité.
Symmaque, qui venait chaque jour rencontrer Galla Placidia, s’indignait.
Stilicon et Serena, assurait-il, livraient l’Empire aux Barbares, préparaient le mariage d’Honorius avec l’une ou l’autre de leurs filles.
Mais le faible empereur − était-il encore un homme ? s’interrogeait longuement Symmaque − serait-il entravé comme un animal voué au sacrifice ?
On l’égorgerait le jour où le fils de Stilicon et Serena serait prêt à revêtir la pourpre impériale.
Était-ce digne de Rome ?
Il fallait empêcher cette usurpation au bénéfice du Vandale Stilicon, l’allié des Goths et des Huns.
Les sénateurs se récriaient. On ne pouvait laisser ternir la gloire éternelle de Rome.
Symmaque ajoutait : « Ravenne, Milan, Sirmium, Trèves, et même Constantinople doivent être reléguées à leur rang de capitale d’une province romaine. »
Galla Placidia était née à Constantinople et y avait vécu quelques années.
Mais cette ville, construite par Constantin et dédiée à Jésus-Christ, le nouveau Dieu auquel il avait voué l’Empire, ne l’émouvait pas.
Elle se méfiait d’Arcadius, son frère aîné, et de Rufin, qui ne rêvait que de remplacer l’empereur d’Orient.
Les sénateurs, la voix méprisante, évoquaient le faste de la cérémonie du baptême de Rufin.
Dans sa villa, qu’on admirait comme le plus grand, le plus fastueux édifice du temps, Rufin avait convoqué tous les évêques de l’Empire afin de faire coïncider son baptême et la consécration à la nouvelle religion de
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