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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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vous
devriez avoir une petite trousse de secours ici, une boîte en fer-blanc avec
des bandages, un flacon de teinture d’iode et quelques autres bricoles.
    — Tu crois que l’argent
tombe du ciel ou quoi ?» C’était la réponse toute faite qu’il opposait aux
demandes de ses ouvrières.
    «Mais vous perdez forcément de l’argent
chaque fois que l’une de nous se blesse, rétorqua Ethel d’une voix posée et
raisonnable. Ça fait près d’une heure que ces deux femmes n’ont pas touché à
leurs machines, parce qu’elles ont été obligées d’aller chez le pharmacien pour
faire soigner une bête coupure.
    — Sans compter que j’ai dû
faire un saut au Chien et au Canard pour me redonner un peu de courage, dit en
souriant la femme à la main bandée.
    — C’est une bouteille de gin
qu’il faudrait prévoir dans cette fameuse trousse », lança Mannie à Ethel
d’un ton sarcastique.
    Elle fit celle qui n’avait pas
entendu. «Je vais noter sur une liste les articles nécessaires et ce que ça
coûterait. Comme ça, vous pourrez décider en connaissance de cause.
    — Je ne promets rien, dit
Mannie, ce qui, dans sa bouche, se rapprochait le plus d’une promesse.
    — Très bien. » Ethel
retourna à sa machine.
    C’était toujours elle qui
demandait à Mannie d’apporter de petites améliorations à leurs conditions de
travail, qui protestait quand il tentait d’imposer des mesures injustes, comme
leur faire payer l’affûtage de leurs ciseaux. Sans l’avoir voulu, elle semblait
avoir endossé le même rôle que son père.
    Derrière la fenêtre sale, le jour
déclinait déjà. Pour Ethel, les trois dernières heures étaient les plus
pénibles. Son dos lui faisait mal et la lumière crue des plafonniers lui
donnait la migraine.
    Mais, lorsque sept heures
sonnèrent, elle n’avait pas envie de rentrer chez elle. L’idée de passer la
soirée seule était trop déprimante.
    Quand Ethel était arrivée à
Londres, plusieurs jeunes gens s’étaient intéressés à elle. Aucun d’eux ne l’attirait
réellement, elle avait pourtant accepté leurs invitations au cinéma, au café-concert,
à des soirées de poésie ou au pub ; elle en avait même embrassé un, sans
grande passion il est vrai. Mais dès que son ventre avait commencé à s’arrondir,
tous ses soupirants s’étaient éclipsés. Une jolie fille, c’est une chose ;
une femme avec un bébé sur les bras, c’en est une autre.
    Heureusement, il y avait une
réunion ce soir-là. Ethel avait adhéré à la section du parti travailliste
indépendant d’Aldgate peu après avoir acheté sa maison. Elle se demandait
souvent ce que son père en aurait pensé. Aurait-il souhaité l’exclure de son
parti comme il l’avait exclue de sa maison ? Ou bien en aurait-il été
secrètement ravi ? Elle ne le saurait sans doute jamais.
    Ce soir-là, l’orateur prévu n’était
autre que Sylvia Pankhurst, une des responsables du mouvement des suffragettes
qui militaient pour le droit de vote des femmes. La guerre avait divisé la
célèbre famille Pankhurst. Emmeline, la mère, avait renoncé à sa campagne pour
la durée du conflit. Christabel, l’une de ses filles, s’était rangée à sa
décision, mais l’autre, Sylvia, avait rompu avec elles et poursuivait sa
campagne. Ethel l’approuvait : en temps de guerre comme en temps de paix,
les femmes étaient opprimées, et elles ne seraient jamais traitées équitablement
tant qu’on leur refuserait le droit de vote.
    Sur le trottoir, elle souhaita
bonne nuit aux autres couturières. La rue éclairée au gaz grouillait d’ouvriers
qui rentraient chez eux, de ménagères qui achetaient de quoi préparer le dîner
et de fêtards en goguette. La porte du pub Au Chien et au Canard laissa
échapper un souffle d’air chaud parfumé de houblon. Ethel comprenait les femmes
qui passaient leurs soirées dans ce genre d’endroits. Les pubs étaient plus
accueillants que la plupart des foyers et on y trouvait de la compagnie et du
gin pour oublier ses soucis.
    À côté du pub, l’épicerie
Lippmann’s était fermée : son nom germanique lui avait valu d’être
vandalisée par une bande de prétendus patriotes et elle était à présent
condamnée par des planches. Ironie de l’histoire, l’épicier était un Juif de
Glasgow dont le fils s’était engagé dans l’infanterie légère des Highlands.
    Ethel prit le bus, trop fatiguée
pour marcher.
    Elle se rendait au temple

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