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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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coder.
     
    Les rues de Londres ne sont
pas pavées d’or, du moins à Aldgate.
     
    Elle avait eu l’intention d’écrire
une lettre enjouée, en minimisant ses problèmes. Au diable, se dit-elle, je
peux bien dire la vérité à mon frère !
     
    Je me croyais différente des
autres, ne me demande pas pourquoi. Les gens disaient : «Elle se croit
trop bien pour Aberowen », et ils avaient raison.
     
    Elle refoula ses larmes en
repensant à ce temps-là : son uniforme impeccable, les repas copieux à l’office
et, surtout, le corps svelte et splendide qui avait jadis été le sien.
     
    Si tu me voyais aujourd’hui.
Je travaille douze heures par jour pour une misère à l’atelier de Mannie Litov.
J’ai mal à la tête tous les soirs et mal au dos tout le temps. Je vais avoir un
bébé dont personne ne veut. Personne ne veut de moi non plus, sauf un
bibliothécaire assommant à lunettes.
     
    Elle suçota son crayon un long
moment, plongée dans ses réflexions, avant d’ajouter :
     
    Autant être morte.
    2.
    Le deuxième dimanche du mois, un
prêtre orthodoxe prenait le train à Cardiff pour remonter la vallée jusqu’à
Aberowen, chargé d’une valise remplie d’icônes et de cierges emballés avec
soin, afin de célébrer le rite liturgique pour les Russes.
    Lev Pechkov détestait les
prêtres, ce qui ne l’empêchait pas d’assister régulièrement à l’office – c’était
obligatoire si on voulait déjeuner gratis ensuite. L’office se déroulait dans
la salle de lecture de la bibliothèque publique. À en croire la plaque dans l’entrée,
la construction de l’édifice avait été financée par la fondation Carnegie,
créée par le célèbre philanthrope américain. Lev savait lire, mais il ne
comprenait pas le plaiSir que certains y prenaient. Les journaux étaient fixés
à des baguettes de bois pour éviter qu’on ne les vole et il y avait partout des
écriteaux qui réclamaient le silence . Comment s’amuser dans un tel
endroit ?
    Dans l’ensemble, Lev n’aimait
rien à Aberowen.
    Les chevaux étaient les mêmes qu’ailleurs,
mais il détestait travailler sous terre : les galeries étaient presque
toujours obscures et l’épaisse poussière de charbon le faisait tousser. Et en
surface, il pleuvait tout le temps. Jamais il n’avait vu autant d’eau. Elle ne
tombait pas sous forme d’orages, ni d’averses soudaines, suivies d’une période
de ciel clair et de temps sec. Non, c’était un crachin insistant qui ne cessait
pas de la journée, voire de la semaine, et finissait par imbiber les jambes de
votre pantalon et parfois jusqu’au dos de votre chemise.
    Le mouvement de grève avait été
levé en août, après la déclaration de guerre, et les mineurs avaient repris le
travail. La majorité d’entre eux avaient retrouvé leur emploi et leur maison.
Quant aux autres, ceux que la direction qualifiait d’« agitateurs »,
ils s’étaient pour la plupart engagés dans les chasseurs gallois. Les veuves
expulsées avaient trouvé d’autres logements. Les briseurs de grève ne
subissaient plus d’ostracisme : les habitants avaient fini par conclure
que ces étrangers étaient, eux aussi, des victimes du système capitaliste.
    Mais Lev n’avait pas fui
Saint-Pétersbourg pour pourrir ici. La Grande-Bretagne était certes préférable
à la Russie : ici, les syndicats n’étaient pas interdits, les flics n’étaient
pas des brutes incontrôlables, les Juifs eux-mêmes étaient libres. Pourtant, il
ne fallait pas compter sur lui pour passer le restant de ses jours à travailler
dans une ville minière au bout du monde. Ce n’était pas ce dont ils avaient
rêvé, Grigori et lui. Ce n’était pas l’Amérique.
    Même s’il avait été tenté de s’installer
ici, il devait à Grigori de poursuivre sa route. Il savait qu’il avait abusé de
son frère, il s’était donc juré de lui envoyer le prix d’un nouveau billet. Lev
avait trahi beaucoup de promesses durant sa courte vie, mais il avait l’intention
de tenir celle-ci.
    Il avait presque réuni de quoi
acheter un billet de Cardiff à New York. L’argent était dissimulé sous une
dalle dans la cuisine de sa maison de Wellington Row, avec son revolver et le
passeport de son frère. Ce n’était pas avec son salaire hebdomadaire qu’il
avait pu mettre cette somme de côté, évidemment : il lui payait à peine sa
bière et son tabac. Non, ses économies venaient des parties de cartes

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