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La Chute Des Géants: Le Siècle

La Chute Des Géants: Le Siècle

Titel: La Chute Des Géants: Le Siècle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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adressa son sourire le plus chaleureux. « Eh bien, mon vieux,
quelle surprise ! s’écria-t-il en russe. Félicitations ! »
    Spiria ne s’y laissa pas prendre.
« Est-ce que tu joues toujours aux cartes, mon fils ? »
interrogea-t-il.
    Lev conserva son sourire mais
baissa la voix. « Je ne dirai rien si tu en fais autant. Marché conclu ?
    — Nous en reparlerons tout à
l’heure. »
    Lev était agacé de ne pas savoir
de quel côté Spiria pencherait – celui de la vertu ou celui du chantage ?
    Le repas terminé, Spiria sortit
par la porte de service et Lev le suivit. Sans un mot, Spiria se dirigea vers
une rotonde blanche évoquant un temple grec miniature dont la plateforme
surélevée leur permettrait de repérer tout intrus éventuel. Il pleuvait et l’eau
ruisselait le long des colonnes de marbre. Lev ôta sa casquette pour la secouer
puis se recoiffa.
    « Tu te rappelles, sur le
bateau, je t’ai demandé ce que tu ferais si je refusais de te donner ta part ? »
lança Spiria.
    Lev l’avait poussé contre le
bastingage et menacé de lui briser la nuque puis de le jeter à l’eau. « Non,
je ne m’en souviens pas, mentit-il.
    — Peu importe, répondit
Spiria. Je souhaitais simplement t’accorder mon pardon. »
    C’était donc la vertu qui l’emportait,
se dit Lev, soulagé.
    « Ce que nous faisions était
un péché, reprit Spiria. Je me suis confessé et j’ai reçu l’absolution.
    — Je ne proposerai pas à ton
prêtre de jouer avec moi, dans ce cas.
    — Ne plaisante pas avec ça. »
    Lev aurait voulu le saiSir à
la gorge, comme sur le bateau, mais Spiria ne semblait plus homme à se laisser
intimider. Paradoxalement, la soutane lui avait donné des couilles.
    « Je devrais révéler tes
crimes à ceux que tu as volés.
    — Ils ne t’en remercieront
pas. Tu les as plumés en même temps que moi.
    — Ma soutane me protégera. »
    Lev secoua la tête. « La
plupart de ceux que nous avons plumés étaient des Juifs. Ils n’ont sans doute
pas oublié les prêtres qui les regardaient en souriant pendant que les Cosaques
les brutalisaient. Si ça se trouve, ta soutane ne fera que décupler leur rage. »
    La colère assombrit un instant le
visage juvénile de Spiria, qui se força à afficher un sourire bienveillant. « C’est
surtout pour toi que je m’inquiète. Je ne voudrais pas que tu aies à subir des
actes de violence à cause de moi. »
    La menace n’échappa pas à Lev. « Que
vas-tu faire ?
    — L’important, c’est ce que tu vas faire.
    — Tu la boucleras si j’arrête ?
    — Si tu te confesses, si tu
fais acte de contrition et que tu arrêtes de pécher, Dieu te pardonnera – comme
ça, je n’aurai pas à te punir. »
    Et tu seras tiré d’affaire, toi
aussi, se dit Lev. « D’accord, j’accepte. » Dès qu’il eut prononcé
ces mots, il sut qu’il avait cédé trop vite.
    La réponse de Spiria lui confirma
qu’il ne s’en sortirait pas aussi facilement. « Je veillerai à ce que tu
tiennes parole, insista-t-il. Et si je découvre que tu as trahi ta promesse, je
révélerai tes crimes à tes victimes.
    — Ils me tueront. Bien joué,
mon père.
    — À mes yeux, c’est la
meilleure façon de résoudre mon dilemme. Mon prêtre est du même avis que moi. C’est
à prendre ou à laisser.
    — Je n’ai pas le choix.
    — Dieu te bénisse, mon fils »,
conclut Spiria.
    Lev s’éloigna.
    Il quitta le domaine de Ty Gwyn
pour redescendre vers Aberowen, en fulminant sous la pluie. On peut toujours
compter sur un prêtre pour empêcher un homme d’améliorer sa position,
ragea-t-il intérieurement. Spiria était tranquille à présent, le gîte, le
couvert et les vêtements assurés pour la vie, grâce à l’Église et aux fidèles
crevant de faim qui gaspillaient ainsi leur bon argent. Il n’aurait plus qu’à
chanter des cantiques et à tripoter des enfants de chœur.
    Que faire ? Si Lev renonçait
aux cartes, il lui faudrait une éternité pour réunir le prix de son billet. Il
passerait des années à soigner des chevaux à sept cents mètres sous terre. Et
jamais il n’aurait les moyens de se racheter en envoyant à Grigori le prix de
son billet pour l’Amérique.
    Il n’était pas homme à reculer
devant le danger.
    Il se dirigea vers les Deux
Couronnes. Dans cette contrée profondément religieuse qu’était le pays de
Galles, les pubs n’avaient pas le droit d’ouvrir le dimanche, mais à Aberowen,
on se

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