La Chute Des Géants: Le Siècle
lit était vide.
Quant à Da et à Mam, ils ne
savaient même pas qu’Ethel était de retour.
Mrs Griffiths l’accueillit
chaleureusement et fit des gazouillis à Lloyd. Elle avait eu une fille de l’âge
d’Ethel, qui était morte de la coqueluche. Ethel se souvenait à peine de cette
enfant blonde prénommée Gwenny.
Elle nourrit et changea Lloyd
puis s’assit à la cuisine pour prendre une tasse de thé. « Tu es mariée ?
demanda Mrs Griffiths en remarquant son alliance.
— Veuve, répondit Ethel. Il
est mort à Ypres.
— Ah, quelle misère !
— Il s’appelait aussi
Williams. Comme ça, je n’ai pas eu à changer de nom. »
L’histoire ferait bientôt le tour
de la ville. Certains douteraient qu’un Mr Williams ait réellement existé
et épousé Ethel, mais peu importait : une femme qui faisait semblant d’être
mariée était fréquentable ; une mère qui admettait ne pas avoir de mari
était une traînée. À Aberowen, on avait des principes.
Mrs Griffiths demanda :
« Quand comptes-tu aller voir ta mère ? »
Ethel redoutait la réaction de
ses parents. Ils pouvaient aussi bien la jeter à la rue une nouvelle fois, que
tout lui pardonner ou trouver un moyen de condamner son péché sans la bannir
pour autant. « Je ne sais pas, ça m’angoisse.
— Je comprends, répondit Mrs Griffiths
d’un ton compatissant. C’est vrai que ton père n’est pas toujours drôle. Ça ne
l’empêche pas de t’aimer.
— Tout le monde dit ça :
« Il t’aime vraiment, tu sais. » Quand même, il m’a fichue
dehors. Je voudrais bien savoir où est son amour.
— Les gens réagissent
souvent trop vivement quand leur fierté est blessée, observa Mrs Griffiths
avec douceur. Surtout les hommes. »
Ethel se leva. « Bon,
inutile de remettre les choses à plus tard. » Elle prit dans ses bras
Lloyd qui jouait par terre. « Viens par ici, mon joli. Il est temps que tu
apprennes que tu as des grands-parents.
— Bonne chance », lui
souhaita Mrs Griffiths.
Les Williams habitaient à deux
pas. Ethel espérait que son père serait absent. Cela lui permettrait de passer
un moment avec sa mère qui se montrait plus compréhensive.
Elle envisagea de frapper à la
porte, puis se dit que c’était ridicule et entra.
Elle pénétra dans cette cuisine
où elle avait passé tant d’années. Ses parents n’y étaient pas. Il n’y avait
que Gramper qui somnolait dans son fauteuil. Il ouvrit les yeux, eut l’air
intrigué puis s’écria, tout content : « Mais c’est notre Eth !
— Bonjour, Gramper. »
Il se leva et vint à sa
rencontre. Il avait l’air plus fragile qu’avant son départ et dut s’appuyer à
la table de la cuisine pour traverser la petite pièce. Il embrassa Ethel sur la
joue puis regarda le bébé : « Mais qui c’est, ce petit garçon-là ?
demanda-t-il, ravi. Est-ce que par hasard ce serait mon premier arrière-petit-fils ?
— Il s’appelle Lloyd.
— Quel joli nom ! »
Le bébé enfouit son visage dans l’épaule
de sa mère.
« Il est intimidé, dit-elle.
— Ah, il a peur du vieux
monsieur bizarre avec sa moustache blanche. Il va s’habituer à moi. Assieds-toi,
ma belle, et raconte-moi tout.
— Où est Mam ?
— Descendue à la Coop
acheter un pot de confiture. » L’épicerie du quartier était un magasin en
coopérative, dont les bénéfices étaient partagés entre les clients. Ce type de
commerce était assez courant dans le sud du pays de Galles. Personne ne sachant
comment prononcer Coop, les gens disaient Cop aussi bien que Quouop ou toute autre variante. « Elle n’en a pas pour longtemps. »
Ethel posa Lloyd par terre. Il
entreprit d’explorer la pièce, vacillant sur ses petites jambes, s’appuyant d’un
point à l’autre, un peu comme Gramper. Ethel parla de son travail de directrice
à La Femme du soldat : les discussions avec l’imprimeur, la
distribution des paquets de journaux, le ramassage des invendus, la recherche
de publicité. Gramper lui demanda comment elle avait appris tout cela, et elle
lui expliqua qu’elle s’était formée sur le tas, avec Maud. L’imprimeur lui
donnait du fil à retordre, il n’aimait pas recevoir ses ordres d’une femme ;
en revanche, elle était plutôt douée pour vendre de l’espace publicitaire.
Tandis qu’ils discutaient, Gramper avait dégrafé sa chaîne de montre et la
balançait entre ses doigts sans regarder Lloyd. Attiré par cet objet
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