La Chute Des Géants: Le Siècle
battre un tapis. La poussière
la fit tousser.
Mrs Griffiths sortit à son
tour avec une pelle remplie de cendres de la cuisinière qu’elle alla vider dans
une ornière du chemin en terre.
« Je peux faire quelque
chose pour vous ? demanda Ethel. Vous voulez que j’aille à la Coop ?»
Elle avait déjà fait les lits et la vaisselle du petit déjeuner.
« Volontiers, dit Mrs Griffiths.
Je vais te faire une liste. » Elle s’appuya au mur, haletante. C’était une
femme corpulente, que le moindre effort essoufflait.
Ethel remarqua alors une certaine
agitation dans le bas de la rue. Plusieurs voix s’élevèrent. Puis un cri
perçant retentit.
Ethel échangea un regard avec Mrs Griffiths.
Se précipitant vers Lloyd, elle le prit dans ses bras et les deux femmes se
hâtèrent d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté des toilettes
publiques.
Ethel aperçut d’abord un petit
groupe de femmes amassées autour de Mrs Pritchard, qui se lamentait d’une
voix stridente. Chacune essayait de la calmer, mais elle n’était pas la seule à
être dans tous ses états. Moignon Pugh, un ancien mineur qui avait perdu une
jambe dans l’effondrement du plafond d’une galerie, était assis au milieu de la
rue, comme assommé, encadré par deux voisins. Sur le trottoir d’en face, Mrs John
Jones l’Épicerie sanglotait devant sa porte, un papier à la main.
Ethel aperçut Geraint. Le
facteur, blanc comme un linge et les larmes aux yeux, traversait la rue pour
aller frapper à une autre porte.
« Des télégrammes du
ministère de la Guerre, dit Mrs Griffith. Oh, Dieu nous garde.
— C’est la bataille de la
Somme, murmura Ethel. Les copains d’Aberowen y ont sûrement participé.
— Alun Pritchard doit être
mort, et puis Clive Pugh. Et aussi Prophète Jones. Il était sergent, lui, ses
parents en étaient si fiers…
— Pauvre Mrs Jones !
Elle a déjà perdu son autre fils dans l’explosion de la mine.
— Pourvu que mon Tommy n’ait
rien, je vous en prie, mon Dieu ! implora Mrs Griffiths sans s’inquiéter
que son mari soit un athée notoire. Épargnez Tommy, je vous en supplie !
— Et Billy ! »
ajouta Ethel, avant de chuchoter à la petite oreille de Lloyd : « Et
ton papa aussi. »
Geraint portait une sacoche de
toile en bandoulière. Ethel se demanda, inquiète, combien de télégrammes elle
contenait encore. Le facteur retraversa la rue, tel un ange de la mort coiffé d’une
casquette de la Poste.
Le temps qu’il arrive aux
toilettes et entreprenne de remonter l’autre moitié de la rue, tous les
habitants étaient sortis de chez eux. Les femmes avaient interrompu leurs
activités et se tenaient sur le pas de leur porte. Les parents d’Ethel étaient
là, eux aussi– Da, qui n’était pas encore parti au travail, à côté de Gramper,
silencieux et angoissés.
Geraint s’approcha de Mrs Llewellyn.
Son fils, Arthur, était sans doute mort. On l’appelait Grêlé, se souvint Ethel.
Dorénavant, le pauvre garçon n’aurait plus à s’inquiéter de ses problèmes de
peau.
Mrs Llewellyn leva les mains
comme pour empêcher Geraint d’approcher. « Non ! s’écria-t-elle. Va-t'en,
je t’en supplie ! »
Il lui tendit son télégramme. « Je
n’y peux rien, madame Llewellyn », dit-il. Il ne devait pas avoir
plus de dix-sept ans lui-même. « Il y a votre adresse dessus, vous voyez
bien. »
Mais elle refusait toujours de
toucher l’avis de décès. « Non ! » répéta-t-elle, et elle lui
tourna le dos, le visage enfoui dans ses mains.
Les lèvres du garçon se mirent à
trembler. « Vous devez le prendre, s’il vous plaît. J’ai encore tout ça à
distribuer. Et il y en a encore plein au bureau, des centaines ! Il est
déjà dix heures, je ne sais même pas si j’aurai tout distribué avant ce soir. S’il
vous plaît. »
Sa voisine, Mrs Parry Price,
proposa : « Je vais le prendre pour elle. Je n’ai pas de fils.
— Merci beaucoup,
madame Price », dit Geraint avant de poursuivre sa tournée.
Il sortit un autre télégramme de
sa sacoche, regarda l’adresse et passa devant la maison des Griffiths sans s’arrêter.
« Oh, Seigneur, merci ! s’exclama Mrs Griffiths. Mon Tommy est
vivant, merci, mon Dieu ! » Et, de soulagement, elle éclata en
sanglots. Ethel fit passer Lloyd sur son autre hanche et prit Mrs Griffiths
par les épaules.
Le facteur s’avança vers Minnie
Ponti. Elle ne cria pas, mais son
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