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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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décider quel p’tit gars on va prendre, si ça vous
     dérange pas…
    — Mais non voyons, mon cher monsieur Rousseau. Que votre dame prenne tout son
     temps.
    « Oh, non, c’est ben ça ! Y veulent adopter un garçon. Joséphine, reste calme…
     Allons, sur tout le lot, y faudrait être malchanceux pour que ça tombe sur
     François. » Silencieusement, elle alla se placer derrière son fils, et le tint
     par les épaules, comme pour marquer sa possession. Pendant toute cette année
     écoulée, elle s’était cachée la tête dans le sable, elle s’en rendait compte
     maintenant. Elle enfouissait toujours plus creux ces sempiternelles questions
     sur ce qui se passerait plus tard si… Oh non, elle ne pouvait l’imaginer,
     c’était trop dur… Et elle s’était coulée confortablement dans la sécurité du
     jour présent.
    — Vous comprenez, ma mère, reprit l’homme. J’viens de m’acheter une bonne
     terre, pis j’va avoir besoin de bras… Ça fait que ça m’prend un bon p’tit gars
     robuste pis franc, aussi, j’veux pas avoir de problèmes, moé.
    « Y vont certainement opter pour le gros Joseph… Y est bâti comme un cheval pis
     y a presque huit ans… Allez, choisissez Joseph… C’est lui qu’y vous faut… Sainte
     Mère de Dieu… faites qu’y prennent Joseph ! »
    — J’voudrais qu’y soit en bonne santé, c’est ben important… reprit l’homme
     tandis que sa femme continuait de passer en revue, scrupuleusement, l’un après
     l’autre, chaque orphelin de la rangée des garçons.
    « Faites qu’y choisissent Joseph » ne cessait de prier Joséphine.Mais la femme avait passé tout droit devant lui et s’y était même moins
     attardée qu’aux précédents. Oh, elle approchait inexorablement de François.
     Peut-être n’en trouverait-elle aucun à son goût, tout simplement. « Sainte Mère
     de Dieu, faites qu’y en trouvent pas… » Tout à coup, arrivée devant François,
     qui se dandinait d’un pied à l’autre, en ayant hâte de retourner à l’histoire du
     chevalier, la femme se figea. Joséphine resserra son étreinte. « Va-t-en,
     va-t-en ! Reste pas plantée devant mon fils, tu m’entends, c’est mon fils… Oh !
     Jésus, Marie… »
    Mais la femme ne se rendait pas compte de la muette supplique de la servante,
     toute son attention étant portée sur ce petit visage boudeur qui avait quelque
     chose de familier.
    — Celui-là est ben beau… murmura-t-elle.
    Son mari s’approcha à son tour et jeta un coup d’œil à l’intéressé.
    — Oui, reprit la femme en s’agenouillant devant François. Y m’rappelle mon
     p’tit Xavier. Que c’est que t’en penses, mon mari ?
    — Ben, c’est toé qui décides comme de raison, mais y me semble un peu
     chicot…
    — Oh, non, non, n’ayez crainte, intervint la mère supérieure.
    Jamais elle n’aurait souhaité que les Rousseau remarquent ce François, cette
     plaie, mais elle ferait tout pour les encourager et ainsi assainir
     l’orphelinat.
    — Cet enfant, s’empressa-t-elle de continuer, après s’être avancée près du
     couple, est fort comme un roc ! Il n’a jamais été malade, il est d’une
     excellente constitution ! les rassura-t-elle.
    — C’est un vrai p’tit homme, déjà… dit la femme Rousseau en caressant
     délicatement les cheveux roux de François qui se détourna de ce geste.
    — Comment y s’appelle ? questionna le mari.
    — François, répondit la sœur, et il a quatre ans. Je ne peux quevous le recommander, mon cher monsieur Rousseau, en plus votre dame semble
     l’aimer.
    — Viens voir ta nouvelle maman… susurra la femme en jetant les bras autour de
     l’enfant.
    Mais François refusa ce contact et voulut le fuir en cherchant protection
     auprès de Joséphine.
    Joséphine le prit vivement dans ses bras et eut l’impulsion de partir à courir,
     loin, très loin, emmenant son fils avec elle. Elle pourrait s’embarquer sur un
     bateau, atteindre l’Irlande et rechercher le père naturel de François… ou se
     cacher avec lui dans la forêt et vivre à la manière de ses ancêtres ou…
    — Mademoiselle Mailloux, posez immédiatement ce garçon par terre !
    Le commandement claqua comme un coup de fouet, ramenant le silence et l’ordre
     dans la pièce. Les yeux de la mère supérieure brillaient de colère.
    Ce fut l’homme qui prit la situation en main.
    — Non, non, laissez faire, ma mère. De toute façon,

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