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La colère du lac

La colère du lac

Titel: La colère du lac Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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présence de la religieuse. Elle craignait toujours
     que quelqu’un découvre la supercherie, qu’on la condamne etla
     montre du doigt en public… Sa vie serait finie, elle devrait s’enfuir ou… Elle
     alla au-devant de celle qui l’employait. Qu’est-ce qui se passait ? Cela
     l’intriguait et l’inquiétait en même temps.
    — Oui, ma mère ? demanda poliment Joséphine.
    — Faites aligner les enfants, en silence et en ordre, ordonna la
     religieuse.
    — Faire aligner les enfants ? s’étonna la jeune fille. Mais pourquoi ?
    — Ce n’est pas le temps de discuter, mademoiselle Mailloux, répliqua la
     religieuse sèchement.
    Puis, claquant dans ses mains :
    — Allons, dépêchons, dépêchons ! Les filles d’un côté, les garçons de l’autre.
     J’espère que ces petits ont les ongles et le visage propres, mademoiselle
     Mailloux ?
    — Euh, oui ma mère.
    Joséphine s’empressa de mettre les enfants en rang, rectifiant une tenue ici et
     là, passant un doigt mouillé de salive sur une joue tachée, lissant une mèche
     rebelle. Ce devait être une visite importante, peut-être celle de l’évêque ?
     Mais non, c’était impossible.
    — Mais dépêchez-vous, voyons ! s’impatienta la mère supérieure. Monsieur et
     madame Rousseau sont pressés… Bon, allez, ça suffit. Que l’on fasse le silence,
     exigea-t-elle.
    Une fillette se mit à pleurnicher. La religieuse lui lança un regard mauvais.
     Joséphine se hâta et prit place derrière la petite fille, la réconfortant par
     une douce pression sur l’épaule. Les garçons, en face, réussirent tant bien que
     mal à se tenir en ligne droite, les plus vieux fanfaronnant et jouant du coude
     en se demandant qui étaient ces Rousseaux.
    — Pour la dernière fois, je veux le silence, gronda la directrice de
     l’orphelinat.
    Tous les enfants, en rang d’oignons, obéirent et cette fois se tinrentsilencieux. Puis, tous les regards convergèrent vers l’homme et
     la femme que la religieuse invitait poliment à entrer dans la pièce. Joséphine
     examina le couple. À leur allure, ils ne devaient pas être bien, bien riches,
     des colons sûrement. Le pantalon de laine foulée de l’homme et la robe sans
     dentelles de la femme en témoignaient. Assez âgés aussi, bien que… enfin, ils
     avaient certainement une dizaine d’années de plus qu’elle. Le monsieur, plutôt
     petit, les cheveux bruns frisés, semblait très mal à l’aise et ne cessait de
     tripoter une blague à tabac, qui pendait mollement, accrochée à l’une de ses
     bretelles de pantalon. Tantôt il l’enfouissait dans sa poche, pour la ressortir
     à peine deux secondes plus tard, comme s’il résistait à une terrible envie de
     fumer à laquelle il passait proche, à tout moment, de succomber. C’était un
     homme à l’allure ordinaire mais qui avait un visage honnête et sympathique. Son
     épouse, au contraire, était flamboyante. Très belle, une magnifique chevelure
     rousse la couronnant, la femme d’une trentaine d’années époustouflait par son
     allure royale. Cependant, Joséphine détesta d’emblée madame Rousseau. Elle était
     étrange, manquant de naturel. Toute habillée de noir, elle ressemblait à une de
     ces corneilles qui, du haut d’un poteau de clôture, vous regardent et dont
     Joséphine s’était toujours demandé s’il ne s’agissait pas là d’un autre
     déguisement du diable… Joséphine ne put réprimer un frisson de répulsion envers
     cette femme. La façon qu’elle avait de passer devant les enfants, leur prenant
     le visage, l’un après l’autre, le scrutant, comme si elle cherchait à
     reconnaître quelqu’un.
    Mais, que voulait dire tout ce manège ? s’interrogeait Joséphine. Il ne pouvait
     y avoir qu’une explication : ce couple, ces Rousseau, venait adopter un enfant.
     Et comme ils se désintéressaient complètement des filles, il était évident que
     seul un garçon les intéressait. Son cœur se serra d’appréhension. C’était la
     première fois depuis son engagement qu’un tel événement se produisait… Oh, il y
     avait eu des plus grandsqui étaient partis au noviciat, pris en
     charge par les écoles des frères ou par les trappistes, mais que la mère
     supérieure fasse montrer les enfants, c’était une première. Elle eut la
     confirmation de ses doutes lorsque l’homme du couple s’adressa à la
     religieuse :
    — C’est ma femme qui va

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