La Collection Kledermann
me mettre à la porte ! Encore merci, madame Branchu ! J’espère avoir le plaisir de vous revoir un jour prochain…
— Est-ce que… vous pourriez me donner des nouvelles ? demanda-t-elle.
Cette brave femme s’inquiétait vraiment pour son locataire préféré.
— J’essaierai de vous en faire parvenir mais il se peut que Gaspard aille à l’étranger et que je le suive… Je ferai de mon mieux !
Il prit la main qu’elle n’osait pas lui tendre et sans aller jusqu’à l’effleurer de ses lèvres s’inclina dessus ce qui la fit rosir de plaisir… Puis, prenant son chapeau il s’esquiva avec la légèreté d’un elfe et rejoignit Adalbert qui tuait le temps en fumant comme une cheminée d’usine. Heureusement il faisait doux et les glaces étaient baissées.
— Ah, enfin ! C’était plutôt long !
— Je sais mais cela en valait la peine. M me Branchu s’est autant dire confessée à moi !
— Ton charme irrésistible, n’est-ce pas ?
— Je préférerais mon air honnête ! Et figure-toi que j’en ai un peu honte. Cette pauvre femme est tout bêtement amoureuse de Grindel. Ce qui n’est pas le cas à l’égard de son époux qu’elle semble redouter. Elle me croit le meilleur ami de son idole et…
— Qui n’est pas la tienne alors laisse tomber tes états d’âme et raconte !
Ce qui fut vite fait. Vint la conclusion :
— Tu connais Nogent-sur-Marne, toi ?
— Encore assez ! Mais pas tout si ce n’est que c’est un coin agréable où on va danser le dimanche dans les guinguettes fleuries au bord de la Marne au son de l’accordéon en buvant du vin blanc et en mangeant une friture ! C’est là qu’habite… ?
— La boîte aux lettres de Grindel… et j’aimerais y aller ce soir.
— Moi itou ! Solution ! on passe chez moi et on interroge Théobald ! Il a les plans des banlieues de Paris grâce à l’Almanach du facteur que les PTT éditent pour les vœux de fin d’année. Il y en a en général de plusieurs villes… et comme nous savons être généreux chez nous…
— Vu ! Démarre !
Mais le majordome-factotum d’Adalbert n’eut pas besoin de se plonger dans de longues recherches :
— Je connais très bien Nogent. J’avais un oncle là-bas et quand on était petits mon frère et moi, on allait souvent à la pêche avec mon père. L’oncle avait un bateau sur la Marne.
— Et l’avenue de la Belle-Gabrielle, c’est au bord de l’eau ?
— Absolument pas ! C’est en lisière du bois et la nuit c’est assez désert mais plutôt chic. Pour y aller il faut traverser Vincennes en passant devant l’entrée du château et continuer tout droit. Quand on arrive sur Nogent, c’est des deux côtés de la route avant d’entrer dans la ville… Ces messieurs veulent que je leur serve de guide ?
— Je préfère que tu restes ici, dit Adalbert. Si par hasard on ne revenait pas tu pourrais envoyer le commissaire Langlois à notre rescousse… On ne prend jamais trop de précautions ! Ah !… N’oublie pas de téléphoner à M me de Sommières pour qu’elle ne se tourmente pas si on rentre un peu tard !
— Comme je vais tomber sur M lle du Plan-Crépin, elle voudra en savoir davantage !
— On ne peut pas dire ce qu’on ignore et étant donné que tu ne sais rien… pas même qu’on va danser dans une guinguette !
Bien que l’heure ne fût pas vraiment tardive, l’endroit était en effet désert et chichement éclairé par quelques becs de gaz disposés de loin en loin.
D’un côté c’était la dense épaisseur du bois de Vincennes, de l’autre quelques maisons, pourvues de jardins qui les tenaient espacées. Cossues, datant de la fin du siècle précédent et à l’évidence habitées – il y avait même une clinique apportant une note lumineuse et rassurante dans un univers obscur même si des lumières à certaines fenêtres de rez-de-chaussée ou derrière des volets clos signalaient la présence humaine.
Les Bruyères blanches étaient relativement éloignées, dans la partie remontant vers Fontenay. C’était, sous un toit en auvent, une maison bourgeoise en meulière adossée à des arbres devant laquelle une pelouse s’ornait en son milieu d’une corbeille de géraniums. Dans le fond on apercevait un garage. Elle était surélevée de cinq marches qui, d’un côté, formaient une terrasse sur laquelle des fenêtres étaient éclairées…
Adalbert qui roulait au ralenti allait arrêter la voiture quand deux « hirondelles » en
Weitere Kostenlose Bücher