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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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voleter ici et là, se reposa sur un bout de ferraille, déploya ses ailes, s’envola et disparut. Les hommes le suivirent des yeux puis retournèrent à leurs occupations en échangeant de vagues sourires et comme gênés d’avoir pris sans retenue un plaisir si misérable. Au bout de deux heures, Célestin fut relevé de son poste. Le cuisinier arrivait, avec sa bandoulière de miches de pain, sa ceinture de bidons et sa grosse gamelle. C’était un type rondouillard et très peureux qui se vautrait dans la boue au moindre début d’explosion : la plupart du temps, les repas, ou ce qu’il en restait, arrivaient froids et pleins de graviers et de terre. Pour se faire pardonner, il apportait souvent en plus une bouteille d’eau de vie qu’il resquillait dans les réserves, cet alcool qu’on ne distribuait ordinairement à la troupe que juste avant les attaques. Enfin, pour se rendre intéressant, il colportait les dernières rumeurs du front, nouvelles stratégies audacieuses de l’état-major, mise en service d’armes révolutionnaires et particulièrement meurtrières, exactions et cruautés des Boches à l’encontre des prisonniers ou des civils des régions occupées… Comme, parfois, certains de ses ragots se révélaient exacts et que l’attaque prévue avait bien lieu au moment qu’il avait prédit, les hommes continuaient à l’écouter, tout en s’en méfiant. Il servit le rata du jour et se mit à renifler : une odeur de viande grillée s’était répandue dans ce bout de tranchée.
    — Qu’est-ce que vous fricotez là, les gars ?
    — C’est un gros rat qu’on fait griller, lui répondit très sérieusement Fontaine. Comme les Boches sont nerveux en ce moment, on n’était pas sûrs que t’apporterais la boustifaille, alors…
    Le cuistot, doublement vexé de ce qu’on osât mettre en doute sa régularité et qu’on se risquât à cuisiner dans son dos, monta sur ses grands chevaux.
    — Y a-t-il une seule fois, une seule, où vous êtes restés sans manger ?
    — Peut-être bien que non, mais il y a des fois où ta cuistance, fallait vraiment en avoir envie ! s’exclama Flachon.
    — J’aimerais bien vous voir trimballer les gamelles dans les boyaux, avec les obus qui tombent de partout, bande d’ingrats !
    Il aperçut alors Germain qui avait réussi à installer une broche sur un petit feu et qui y faisait rôtir le canard.
    — Du canard ! Vous ne vous refusez rien, messeigneurs !
    Il termina sa distribution et, comme une canonnade commençait à rouler quelque part vers l’Ouest, se dépêcha de disparaître. La section se partagea le volatile dont il ne resta bientôt plus rien que quelques os soigneusement nettoyés. Célestin s’était assis sur une caisse de grenades, près de Germain.
    — Dis-moi, Béraud, la jeune femme à qui tu avais piqué son sac, à Orléans…
    — J’ai tout rendu, je vous jure, j’ai rien pris dedans.
    — Je te crois, mais tu as peut-être eu le temps de regarder ses papiers ?
    — Je me rappelle plus trop… C’est possible…
    — Je pense que tu te rappelles très bien tout ce que tu as fait ce soir-là. Elle s’appelait Anaïs, mais je ne suis pas fichu de retrouver son nom de famille.
    — Farel, monsieur, Anaïs Farel, répondit Germain en baissant les yeux.
    — Voilà, c’est ça ! Tu vois que tu n’oublies rien. Farel… Elle m’avait dit que son mari avait été mobilisé comme capitaine dans le génie, c’est un ingénieur, je crois. Ça ne te dit rien ?
    — Non. Mais quel rapport avec votre enquête ?
    — Le lieutenant de Mérange faisait la cour à madame Farel. Son mari l’aura appris, et il aura voulu se venger.
    — Il l’aurait appris comment ? Il était déjà parti au front, d’après ce que vous dites, quand le lieutenant était à Orléans.
    — Une lettre. Tu ne peux pas savoir combien il y a d’âmes charitables pour mettre au courant les maris cocus de leurs infortunes, comme pour dénoncer leurs voisins à la police : à la Préfecture, on en reçoit des sacs tous les jours.
    — C’est débectant.
    — Je ne te le fais pas dire. D’un autre côté, ça facilite certaines enquêtes, il faut bien l’admettre. Maintenant, comment retrouver la trace du capitaine Farel, du génie ?
    — Si ça se trouve, il est dans le coin. Les affectations ont été faites par régions. Il y a beaucoup de gars du Centre de la France, à la compagnie.
    Célestin allait répondre

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