Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
Vom Netzwerk:
cagna avec ses hommes. Accroupis par terre, à peine éclairés par quelques bougies, ils écoutèrent le bruit régulier avec une sorte de stéthoscope. Ils se relevèrent rapidement.
    — Ils sont trop près, lieutenant. Nous ne pouvons plus intervenir.
    L’ombre d’un sourire résigné passa sur le visage du jeune lieutenant.
    — Alors, à la grâce de Dieu !
    Le capitaine prit congé, il allait passer la nuit à la réfection d’un pont endommagé par un tir mal réglé des 75 français. Il serra la main de Doussac en lui souhaitant bonne chance. Dans le renfoncement d’un abri individuel, Célestin le guettait. À la faible lueur qui parvenait de la cagna, il reconnut Farel. Il ressemblait à sa photographie d’Orléans, celle que le jeune policier avait aperçue, posée sur la cheminée, dans l’appartement confortable. Il se mit délibérément en travers de sa route.
    — Capitaine Farel ?
    — Oui.
    Célestin le dévisagea, il détailla ce visage carré au long nez droit, aux mâchoires puissantes, aux grands yeux clairs, à la bouche presque souriante surmontée d’une longue et fine moustache. Pas l’ombre d’un tressaillement, d’une surprise, d’une hésitation.
    — Soldat Célestin Louise. Vous êtes bien d’Orléans ?
    — C’est exact, pourquoi ?
    — J’ai croisé votre femme, là-bas, pendant mes classes.
    — Tiens donc ? En quelles circonstances ?
    L’homme était un grand bourgeois que trahissait une légère condescendance, il imaginait mal que sa femme pût être en relation avec un homme de troupe hirsute et dépenaillé. Célestin mentit.
    — Elle s’est trouvée prise dans une émeute lors du passage d’un convoi de prisonniers allemands. Rien de grave, nous l’avons tirée de là sans mal.
    — Elle ne m’en a pas parlé dans ses lettres. Mais je vous en remercie.
    — C’était le lieutenant Paul de Mérange qui commandait notre escouade. Cela vous dit quelque chose ?
    — Paul de Mérange ? Non, je ne vois pas…
    — N’importe : il vient de se faire tuer.
    — Beaucoup d’entre nous ne reviendront pas, hélas. Maintenant, excusez-moi, monsieur…
    — Louise. Célestin Louise.
    — Au revoir, monsieur Louise. Et bonne chance.
    Célestin le regarda s’éloigner avec ses hommes. Ils disparurent, happés par la nuit. Les premières fusées éclairantes vinrent déchirer le ciel. Germain s’était approché du jeune policier.
    — Ce type-là n’est pas capable d’assassiner quelqu’un, monsieur.
    — Tu as raison, Béraud. Je pense la même chose.
    Il pensait aussi que, décidément, tout convergeait autour de Claire de Mérange : femme jalouse et vindicative, ou victime sans défense d’un mari cynique, comment le savoir ? Il devait la rencontrer. Il sortit de sa poche la montre de Paul de Mérange et l’ouvrit. La flamme de son briquet éclaira le portrait de Claire. Il essaya d’imaginer la voix de la jeune femme, ses gestes, sa façon de bouger. Un coup de vent éteignit le briquet. Cette nuit-là, assoupi sur une banquette de tir, recroquevillé sous une mauvaise couverture, Célestin rêva d’une femme qui avait le corps sensuel de Joséphine et le visage de Claire, une femme qui lui faisait l’amour.

Chapitre 8
UNE PERMISSION
    Vers deux heures du matin, les artificiers ennemis cessèrent de creuser. Un duel d’artillerie opposait les 155 allemands et les 75 français. Toute la section s’était réfugiée dans les abris, d’où l’on entendait plus nettement les coups de pioche souterrains. Quand ils s’arrêtèrent, presque en même temps que les canons, ce fut un silence de mort. Les hommes ne parlaient plus, ils évitaient même de se regarder, trop anxieux de surprendre leur propre angoisse sur le visage des autres. Doussac fit passer l’ordre de sortir et de se mettre aux créneaux.
    — Pour ce que ça change, marmonna Fontaine. Il pense peut-être qu’on va monter moins haut ?
    Tout à coup, un des hommes de la compagnie, un Corse, se mit à invectiver les Allemands, il les insultait dans sa langue, on pouvait comprendre, aux intonations, qu’il les provoquait, qu’il les traitait de lâches. Et soudain, sans laisser le temps à quiconque de le retenir, il enjamba le parapet et se précipita vers la tranchée ennemie. Baïonnette au canon, il brandissait son fusil en hurlant. Animé d’une force surhumaine, il sauta les barbelés et se retrouva seul, au milieu des trous d’obus, sur le no man’s

Weitere Kostenlose Bücher