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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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lorsque le lieutenant Doussac s’approcha.
    — Suivez-moi, Louise, je voudrais vous montrer quelque chose.
    Il entraîna le jeune policier dans son abri. À l’intérieur, la décoration avait changé depuis la mort de Paul de Mérange. Si les lampes au pétrole étaient restées les mêmes, l’une des parois de la cagna était désormais couverte de livres soigneusement rangés sur des étagères séparées par des briques provenant de maisons démolies. Une grande malle supportait un large plateau de bois qui faisait office d’écritoire, une caisse de cartouches servait de siège. Doussac n’invita pas Célestin à s’asseoir, il ne lui proposa ni cigarette, ni alcool. Il prit sur la malle une enveloppe et la lui tendit.
    — Lorsque je me suis installé ici, j’ai trouvé cette lettre. Il n’y avait pas d’enveloppe, pas d’adresse, je me suis permis de la lire. Elle a été écrite par le lieutenant de Mérange. Comme vous allez le voir, il s’agit d’une lettre très intime. Mais il me semblerait déplacé de la transmettre à madame de Mérange. J’ai réfléchi à votre histoire de meurtre. Lisez…
    Célestin prit la lettre et la déplia. L’écriture du lieutenant, régulière, s’étalait sur quelques lignes. C’était plus un petit mot affectueux qu’une véritable lettre, un bonjour rapide qu’il avait eu l’intention d’expédier entre deux assauts, à la prochaine relève.
    Ma toute sucrée,
    Pas une minute où je ne pense à toi, à notre dernière étreinte, à ton corps magnifique offert à mes caresses. Je survivrai, ne serait-ce que pour te faire encore une fois l’amour. Ma femme à qui, tu le sais, je ne cache plus rien, me fait des leçons de morale, comme si mon absence lui donnait une soudaine audace qu’elle n’a jamais eue jusqu’ici. Elle s’est rapprochée de mon imbécile de frère qui, tu t’en doutes, n’en demandait pas tant. Il va falloir jouer serré, mais cela m’amuse. Je suis tout à toi. Paul.
    Célestin releva les yeux vers Doussac.
    — Vous en pensez quoi, mon lieutenant ?
    — Moi ? Rien. C’est votre affaire, Louise, c’est à vous de tirer les conclusions. Moi, je ne suis que votre nouveau lieutenant.
    Puis, comme Célestin esquissait le geste de lui rendre la lettre :
    — Gardez-la. C’est peut-être une pièce à conviction.
    Il y avait un brin d’ironie dans la voix de l’officier. Célestin ne releva pas et glissa la lettre dans la poche intérieure de sa capote.
    — Alors, vous avez décidé de m’aider, mon lieutenant ?
    — Je n’aime pas beaucoup les flics, Louise. Mais j’aime encore moins les assassins.
    — Je vous remercie, mon lieutenant, et je vous assure que…
    — Taisez-vous ! Écoutez…
    Au début, Célestin n’entendit rien. Puis cela devint net, évident : des coups réguliers provenaient du sol. Comme si un bûcheron souterrain abattait un arbre gigantesque. Le jeune soldat et son lieutenant échangèrent un regard inquiet. Au même moment, quelqu’un frappait au linteau de l’abri.
    — Mon lieutenant ! Mon lieutenant !
    — Oui, entrez.
    Un soldat écarta le rideau qui masquait l’entrée et s’avança. C’était Peuch, le visage déformé par la terreur.
    — Vous entendez, mon lieutenant ? Les Boches sont en train de creuser une mine, droit sur nous !
    — J’entends, Peuch, j’entends. Malheureusement, nous ne serons pas relevés avant deux jours. Vous allez partir immédiatement, il y a un bataillon du génie au Hamel, vous leur donnerez ceci…
    Il avait griffonné quelques lignes sur un formulaire auquel il donna un coup de tampon officiel. Il le confia à Peuch.
    — Dites-leur de venir le plus vite possible. Il faut faire une contre-sape. Ou évacuer la zone.
    — On n’a jamais évacué une tranchée, mon lieutenant, c’est un ordre que le colonel ne donnera jamais.
    — Alors dépêchez-vous.
    Peuch ne se le fit pas dire deux fois, il se rua dehors, Célestin entendit son galop qui s’éloignait dans la boue de la tranchée. Il observa le jeune officier qui ne manifestait aucune inquiétude. Doussac alluma tranquillement une cigarette.
    — Pourquoi cette panique, Louise ? Je n’ai jamais vu les hommes dans cet état, même au plus fort d’un bombardement.
    — Ils ne veulent pas de cette mort-là, mon lieutenant, c’est une torture. Ils n’ont pas peur de prendre une balle dans la tête ou de se faire couper en deux par un obus, mais d’entendre leur mort

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