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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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il vit une silhouette qui lui rappelait sa maîtresse d’une nuit, la jeune femme s’engouffrait dans la station de métropolitain Corvisart. Elle disparut, chassée par d’autres passants. Célestin partit à pied vers la gare Montparnasse, en marchant vite, il en aurait pour une bonne vingtaine de minutes, il arriverait juste à temps pour prendre le dernier train pour l’ouest qui le déposerait au Mans. De là, il se débrouillerait.
    Le train était à moitié vide. Hormis des réfugiés qui s’en allaient rejoindre les bribes de famille qu’ils possédaient en Bretagne, il n’y avait dans les compartiments que quelques voyageurs de commerce, un groupe de religieuses, et un couple silencieux formé d’une femme d’une quarantaine d’années et d’une autre, plus jeune, en robe noire, dont le visage disparaissait derrière une voilette. Célestin trouva une place en face d’elles. Elles ne se parlaient pas, un léger tic trahissait la nervosité de la plus âgée. Elle regardait fixement Célestin, détaillant son uniforme sale, sa trogne hirsute, les moindres accessoires de sa tenue. Finalement, n’y tenant plus :
    — Vous venez du front, monsieur ?
    — Oui, madame.
    — C’est du sang, que vous avez là, sur votre manche ?
    — Peut-être, je ne sais pas. Du sang, là-bas, il y en a partout.
    La femme eut un frémissement et se raidit, comme touchée par un animal effrayant. Sa compagne demeurait immobile et seul l’éclat de ses yeux se distinguait sous sa dentelle noire. Il y eut soudain un remue-ménage dans le couloir. D’un même mouvement, les deux femmes tournèrent la tête vers la porte du compartiment et se reculèrent sur leur siège. Deux gendarmes se présentèrent, massifs et, comparés à Célestin, impressionnants de propreté réglementaire. Leurs ceinturons impeccablement astiqués reluisaient autant que leurs bottes noires.
    — Madame Leroy ?
    La femme fit un effort pour rester calme et réussit à articuler :
    — C’est moi. C’est à quel sujet ?
    — C’est à propos de votre fils, madame. Il n’a pas répondu à l’ordre de mobilisation, et nous avons tout lieu de croire qu’il se trouve avec vous dans ce train.
    — C’est ridicule, je voyage avec ma nièce, je pensais que mon fils avait rejoint l’armée, je n’ai pas la moindre idée de…
    — Votre nièce ? interrompit l’un des gendarmes. Peut-elle relever sa voilette ?
    Célestin vit alors la jeune femme se lever d’un bond, se précipiter sur le gendarme, lui couper le souffle en le bousculant d’un coup de tête dans l’estomac et tenter de s’enfuir dans le couloir. Mais elle se prit les pieds dans sa robe et trébucha. Le second pandore la rattrapa sans difficulté, la remit debout et lui arracha sa voilette, découvrant le visage terrifié d’un jeune homme que les atours féminins rendaient à la fois ridicule et touchant.
    — Vous êtes Maurice Leroy, n’est-ce pas ?
    Le jeune homme acquiesça. La mère, affolée, se leva et se précipita vers son fils. Le gendarme qui reprenait son souffle l’arrêta d’un bras.
    — Qu’est-ce que vous allez lui faire ?
    — Votre fils est porté déserteur, madame. Nous allons le remettre aux autorités militaires.
    — Mais vous voyez bien qu’il ne peut pas faire la guerre, il est incapable de tuer qui que ce soit, ou de se servir d’un fusil !
    Elle se tourna vers Célestin.
    — Mais dites-leur, vous qui arrivez de là-bas, dites-leur qu’on n’a pas besoin de gens comme Maurice…
    — Essayez de trouver quelqu’un au ministère, madame, c’est le seul conseil que je puisse vous donner. Pour le reste, une fois sur place, on a vite fait d’imiter les autres et de devenir un tueur.
    Mécontent, suspicieux, le gendarme qui avait interpellé le jeune homme s’adressa à Louise.
    — Et vous, qu’est-ce que vous faites ici ? Vous avez vos papiers militaires ?
    Le jeune policier exhiba ses papiers et le sauf-conduit signé du médecin-major. Le brigadier les examina longuement avant de les rendre à Célestin. On pouvait lire dans son regard le mépris qu’il avait pour celui qu’il considérait comme un tire-au-flanc. Madame Leroy avait attendu, espérant qu’il se passe quelque chose. Voyant que Célestin se rasseyait près de la fenêtre et que l’autre gendarme emmenait son fils, elle se remit à crier, à explorer, à supplier, en vain. Le train s’arrêtait à Chartres, les deux gendarmes descendirent

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