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La cote 512

La cote 512

Titel: La cote 512 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Thierry Bourcy
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tromper leur terreur, mais l’apparition de ces hideuses protections leur faisait grimper un cran de plus dans l’horreur et réveillaient dans leurs esprits les fantasmes de savants fous, de poison, d’expériences secrètes et dévastatrices. En moins d’une minute, tandis qu’autour d’eux explosaient les obus chimiques, ils récupérèrent dans un des abris la caisse de masques et se hâtèrent de les enfiler. Dans sa panique, le petit Germain avait coincé dans sa bretelle de fusil la ficelle qui maintenait l’embout respiratoire et s’acharnait à la dégager tout en voyant avec horreur la nappe de gaz mortel glisser vers la tranchée, se couler le long du parapet et descendre vers eux. Célestin le remarqua, l’entraîna dans un boyau, en arrière, et l’aida à ajuster sa tenue. Il était temps : ils furent bientôt environnés de gaz, à ne plus se voir. Fontaine et Flachon, postés dans le nid de mitrailleuse, commencèrent à tirer, les Allemands, eux aussi masqués, lançaient une attaque. De nouveau, ce fut l’enfer, les grenades explosaient partout, l’une d’elles fit s’ébouler tout un pan de la tranchée, coinçant un caporal que deux poilus parvinrent à dégager. Mais dans la manœuvre, son masque s’arracha, il inhala une grosse bouffée de gaz. On le vit alors tomber à genoux, puis se tordre de douleur au fond de la tranchée en cherchant, avec un rictus atroce, un air qui ne venait pas. Puis, dans un dernier spasme, il se mit à cracher du sang et retomba, livide, agonisant. Plus personne n’était en mesure de lui porter secours : il fallait se battre, tirer à volonté et repousser coûte que coûte l’assaut. Heureusement, les Allemands n’étaient pas plus habiles avec leurs propres masques que la respiration embuait et, après être parvenus aux premiers barbelés de défense, ils durent battre en retraite, laissant derrière eux des dizaines de morts. La concentration de gaz avait diminué sauf, curieusement, au fond de certains boyaux où il faisait de sinistres flaques vertes. Déjà, les infirmiers évacuaient les blessés, la plupart atteints par des éclats de grenades. Célestin, qui avait brûlé près d’une cinquantaine de cartouches, se laissa tomber, épuisé, sur la banquette de tir. Le masque réduisait son champ de vision et il fut surpris de découvrir brusquement, debout devant lui, La Guimauve, une cigarette au coin de la bouche.
    — Tu ne mets pas de masque ? s’étonna le jeune homme d’une voix nasillarde déformée par le filtre.
    — Trop envie de fumer. Je crois que j’ai repéré votre type, il a été surpris par l’attaque des Boches en apportant un pli de l’état-major. Il est coincé dans un des boyaux, là-bas.
    D’un coup, Célestin se releva. Tout autour régnait encore la confusion, on criait, certains hommes avaient relevé leurs masques pour mieux respirer, d’autres, pelle en main, déblayaient les conduits éboulés. Louise se mit à courir dans la direction indiquée par Chapoutel. Sur sa gauche s’ouvrit une des tranchées d’accès qui ramenaient en deuxième ligne. Il s’y engouffra. Des traînées de gaz s’entortillaient encore autour de ses chevilles, il n’osait pas retirer son masque qui le gênait. Il arriva dans un cul-de-sac qui conduisait aux feuillées, fit marche arrière et déboucha à un embranchement en même temps qu’une estafette. C’était un grand type costaud, la tête cachée sous le masque, et qui portait au côté une sacoche de courrier marquée de l’insigne du Quartier Général. Les deux hommes s’immobilisèrent l’un en face de l’autre.
    — Kerivin ? hurla Célestin en dégageant la bretelle de son Lebel.
    L’autre hésita puis, bousculant le jeune homme, s’enfonça vers la deuxième ligne. Célestin était tombé à la renverse, dans sa chute, son fusil tira vers le ciel. Il rechargea et se lança à la poursuite de Kerivin. Les deux hommes traversèrent la tranchée de réserve, bousculant deux infirmiers qui les insultèrent. Dans sa course, Célestin avait jeté son masque. Les courbes du boyau d’accès l’empêchaient d’épauler et de viser le fuyard, il se contentait de lui crier de se rendre. L’autre n’écoutait rien et, au moment où ils débouchaient sur un chemin, le policier découvrit Kerivin enfourchant son vélo. En quelques secondes, il fut loin, hors d’atteinte. Une rangée d’arbres l’avait mis à l’abri d’un tir. Célestin,

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