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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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que le prisonnier, qui n’avait fait attention ni au pain ni à la cruche, ce qui est déjà mauvais signe pour un homme qui devait sans doute mourir de faim et de soif…
    – Achève donc, imbécile !…
    – Voilà donc que le prisonnier se met à me regarder… mais avec des yeux si doux, si implorants, si pleins de larmes que moi, qui ne me laisse pas facilement attendrir, je me suis senti tout bouleversé… C’est peut-être mal, monseigneur, de la part d’un geôlier…
    – Non, fit doucement Monclar.
    Et il dit ce « non » machinalement, sans savoir.
    Et à peine l’eût-il dit qu’il en fut stupéfait.
    C’était lui, lui Monclar, qui disait cela !
    – Oh ! monseigneur ! s’écria le geôlier, voilà que vous parlez exactement comme lui… ou plutôt… c’est le son de la voix qui est tout pareil…
    – Continue ! fit sourdement le grand prévôt.
    – Alors, il me parle. Il me pose des questions.
    – Une tentative d’embauchage ! songea le grand prévôt en revenant à lui. Il t’a parlé !… Tu ne lui as rien dit, j’espère !…
    – Voilà, monseigneur !… Je lui ai répondu… mais je n’ai pas cru mal faire… Monseigneur va en juger.
    – Tu sais pourtant que c’est défendu !
    – Oui, monseigneur…
    – Enfin, que t’a-t-il dit ?… Il t’a offert de l’argent…
    – Eh bien, non, monseigneur ! Je me suis d’abord méfié, comme monseigneur peut croire. Mais j’ai bien vu tout de suite que le pauvre diable, loin de songer à fuir, avait complètement perdu la tête…
    – Voyons donc ce qui t’a fait penser cela ?
    – Il s’est mis à me poser des questions… des questions sans queue ni tête… s’il y avait bien deux ormes à l’entrée du jardin de monseigneur, si l’allée des rosiers aboutit bien à une terrasse au bord de l’eau, enfin, des choses pareilles qui n’ont aucun intérêt…
    – C’est tout ? fit Monclar.
    Cette pensée lui venait, très nette, que le prisonnier avait cherché à avoir un plan de l’hôtel pour le cas d’une évasion. Evasion impossible, il le savait bien !
    – Mais l’espoir est si tenace au cœur des prisonniers ! pensa-t-il.
    – C’est tout ce qu’il a demandé, monseigneur, reprit le geôlier ; mais dans tout cela, voyez-vous, ce qu’il y a eu de plus bizarre, c’est la façon dont il me parlait, et encore la façon dont il accueillait mes réponses. Quand je lui ai dit qu’il y avait deux ormes de chaque côté de la porte du jardin, il a paru tout à fait égaré, comme si je lui avais annoncé un événement extraordinaire. Vous voyez qu’il est fou, monseigneur… Faut-il aller chercher quelques gardes ?…
    – N’est-il pas enchaîné ?…
    – Oui, monseigneur.
    – C’est bien… laisse-là tes clefs et la lanterne, et va-t’en.
    Le geôlier se retira sans surprise.
    Cependant, comme le geôlier commençait à remonter l’escalier, il le rappela d’un mot.
    – A propos… fit-il.
    – Monseigneur ? dit l’homme en s’arrêtant.
    Monclar réfléchit quelques instants. Puis il dit :
    – Non, rien… Va-t’en.
    Cette fois, le geôlier disparut.
    En rappelant cet homme, le comte de Monclar avait subitement songé à la Gypsie, et le mot qui lui était venu à l’esprit avait été celui-ci :
    – Assure-toi donc si une sorte de vieille bohémienne qui a passé la journée sous un auvent en face de l’hôtel est toujours là…
    Puis, non moins brusquement, il jugea la question inutile.
    Pourquoi, à la suite des bavardages du geôlier, le grand prévôt, avait-il coup à coup pensé à la Gypsie ? Pourquoi, maintenant, les deux figures de la bohémienne et du prisonnier demeuraient-elles unies dans son esprit ?
    Il se faisait dans la pensée de Monclar un travail qui l’étonnait. Qui se fût trouvé près de lui à ce moment l’eût entendu murmurer :
    – Pourquoi la Gypsie est-elle si acharnée à la mort de cet homme ? Car voilà la lumineuse vérité ! Elle veut le voir mourir… Sa scène d’hier n’est qu’une comédie…
    Il avait laissé la lanterne à terre, là où le geôlier l’avait posée. Les bras croisés, son menton dans une main, les yeux étrangement fixés sur la porte du cachot de Lanthenay, il rêvait profondément.
    Il murmura encore ceci :
    – Pourquoi cet homme a-t-il demandé ces détails sur l’hôtel ?… Ce ne peut être pour s’évader. Il est trop intelligent pour ne pas avoir vu tout de suite

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