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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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prudent.
    – Aimez-vous mieux besogner au jour et risquer d’ameuter contre vous quelque populace ? Car on ne respecte plus rien dans ce maudit Paris !
    Les deux moines furent vivement frappés par cet argument et se déclarèrent prêts à obéir.
    – Allez donc, mes frères, dit Loyola, et que Dieu vous conduise !
    Frère Thibaut s’empara donc de la caisse et, suivi de frère Lubin, sortit du couvent.
    Ils se dirigèrent vers un pré situé sur l’autre versant de la Montagne-Sainte-Geneviève, à peu près à l’endroit où fut bâti plus tard un couvent qui devait devenir la prison de Sainte-Pélagie.
    Il y avait là alors une sorte de terrain vague, c’est-à-dire un pré banal non enclos de murs ou de palissades.
    C’est dans ce terrain que Loyola avait donné l’ordre de jeter les cendres de Dolet.
    Tant que les moines se trouvèrent en l’Université, ils marchèrent assez bravement. L’Université, en effet, pullulait de couvents et d’églises, et aussi de cabarets dont un certain nombre, par privilège, avaient permission de donner à boire aux écoliers jusqu’à une heure assez avancée de la nuit.
    Quelques-uns de ces cabarets étant encore ouverts, les deux moines ne manquèrent pas d’aller y puiser le courage qui leur faisait défaut. Il va sans dire qu’ils furent accueillis par les quolibets des écoliers.
    – Ohé, Thibaut de malheur ! que portes-tu dans cette caisse ?
    – C’est son âme qu’il va vendre à Lucifer !
    – Non ! c’est un trésor qu’il va enterrer !
    Les moines ne répondaient rien, vidaient hâtivement un verre de vin et reprenaient leurs pérégrinations.
    Ce fut ainsi que les cendres d’Etienne Dolet furent portées au lieu de leur éternel repos…
    Après la dernière station des moines dans le dernier cabaret ouvert, la caisse était maculée de taches de vin, un écolier ivre ayant jugé à propos d’envoyer le contenu de son gobelet, à toute volée, sur frère Thibaut.
    Les deux fossoyeurs improvisés titubaient légèrement en se dirigeant vers le pré, après avoir dépassé les dernières maisons de l’Université.
    Les libations des deux moines leur avaient rendu quelque courage, courage tout relatif d’ailleurs et qui leur permettait tout juste de ne pas jeter leur caisse en un coin et de s’enfuir à toutes jambes.
    Mais si Lubin et Thibaut redoutaient fort quelque diabolique apparition ou quelque attaque de maraudeurs, ils redoutaient encore plus la colère d’Ignace de Loyola.
    Ils s’avançaient donc, se soutenant de leurs réflexions, s’encourageant mutuellement, s’arrêtant au moindre bruit pour s’arc-bouter l’un contre l’autre.
    Enfin, ils arrivèrent au pré, but final de leur sinistre excursion.
    Frère Thibaut déposa la caisse à terre.
    Le sol de ce pré, continuellement ravagé par les courses des gamins, était pelé, galeux, et le gazon n’y poussait que par places ; c’était tout à fait ce qu’on appelle aujourd’hui un terrain vague.
    – Ouf ! dit Thibaut, nous y voilà !
    – En somme, nous n’avons pas fait de mauvaise rencontre, reprit Lubin.
    – Oui, mon frère, mais il y a le retour !
    – Espérons que quelque taverne sera encore ouverte. Avez-vous remarqué, mon digne frère, combien la peur est poivrée ?
    – Hein ? fit Thibaut étonné.
    – Je veux dire combien elle donne soif…
    – Peuh !… Je vous avouerai que j’ai soif en tout temps… Mais si nous voulons, comme vous en émettiez l’espoir, trouver une taverne ouverte, il faut nous hâter de vider cette caisse…
    – Comme une caisse d’ordures, selon l’expression du révérend Loyola !
    Cependant frère Thibaut s’était agenouillé ; Lubin s’agenouilla près de lui, et tous deux combinèrent leurs efforts pour soulever le couvercle cloué de la caisse.
    Ce fut à ce moment précis que les deux moines poussèrent ensemble une clameur de détresse, d’épouvante et de douleur.
    Un formidable coup d’ils ne savaient quoi de dur et de noueux s’était abattu sur leurs échines.
    Stupéfaits, effarés, terrifiés, Lubin et Thibaut furent debout d’un bond.
    Un nouveau coup tomba sur leurs reins.
    – Miséricorde ! vociféra Thibaut.
    – Saints anges du ciel ! hurla Lubin.
    Ces invocations, malgré toute leur ferveur, demeurèrent inutiles ; aucun ange ne vint leur manifester sa miséricorde. Au contraire, une main de fer avait harponné chacun des deux moines par un bras, et les coups

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