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La Cour des miracles

Titel: La Cour des miracles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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terminée, Manfred partageait ses pensées entre ces deux figures de femmes :
    Gillette ; la princesse Béatrix.
    Ce fut donc le cœur en émoi, qu’il arriva rue des Canettes.
    Il se trouva tout à coup la main sur le marteau de la grande porte de l’hôtel ; alors il fut pris d’une indicible émotion, reposa doucement le marteau et s’éloigna. Maintenant, il n’osait pas !
    Il fit quelques pas dans la rue, puis revint tout à coup, et cette fois il n’hésita pas à frapper.
    Un domestique entr’ouvrit la porte.
    Sans lui donner le temps de questionner, Manfred lui dit :
    – Annoncez à M me la princesse, que quelqu’un venu de Fontainebleau, désire l’entretenir de la part de M. le chevalier de Ragastens.
    – Attendez ici ! fit le valet après l’avoir dévisagé.
    La princesse était bien gardée.
    Manfred attendit, très ému.
    Quelques minutes se passèrent, puis le même valet reparut et lui dit :
    – Suivez-moi.
    Un instant plus tard, Manfred était en présence de Béatrix. Il la contempla avidement, songeant :
    – C’est là ma mère !
    Béatrix était à cette époque, une femme de quarante-deux ans.
    Mais elle avait gardé, comme il arrive à quelques femmes privilégiées, toute la robuste sveltesse, toute la souple élégance de sa jeunesse, alors qu’elle parcourait à cheval les routes d’Italie et qu’elle se mettait à la tête des guerriers de Monteforte, pour repousser l’armée de César Borgia.
    Seulement, son regard avait perdu cet éclat ardent qui avait tant ébloui le chevalier de Ragastens à leur première rencontre.
    Ce regard, maintenant, se voilait de mélancolie.
    On voyait qu’elle avait beaucoup souffert et beaucoup pleuré.
    Cependant Béatrix l’avait tout de suite reconnu.
    – Vous venez de Fontainebleau ? demanda-t-elle.
    – J’y étais il y a trois jours, madame.
    Et Manfred avait l’air si bouleversé, que Béatrix, prise d’un pressentiment, s’écria :
    – Il n’est rien arrivé au chevalier ?
    – Rien, madame, rien ! Soyez rassurée… J’ai quitté M. le chevalier en parfaite santé et en bonne humeur…
    La pensée de Béatrix se reporta alors tout entière sur ce jeune homme qui était devant elle. Elle étouffa un soupir. Un instant, elle avait espéré avoir retrouvé en lui ce fils qu’elle cherchait.
    Un signe du chevalier de Ragastens lui avait fait comprendre qu’elle s’était trompée, on s’en souvient sans doute. Malgré cette déception, elle gardait à Manfred une sympathie irraisonnée et souhaitait ardemment qu’il fût heureux.
    – Eh bien, monsieur, demanda-t-elle, avez-vous réussi dans votre entreprise ? Cette charmante Gillette… cette jeune fille que j’aimais déjà de tout mon cœur…
    Manfred, depuis quelques instants, sentait ses pensées tourbillonner dans sa tête. Il écoutait la princesse sans l’entendre. Et elle, sans en savoir la cause, remarquait cette profonde émotion qui agitait le jeune homme.
    Il n’y put tenir davantage.
    – Tenez, madame, dit-il d’une voix altérée, ce que j’ai à vous dire est si étrange que je ne sais comment m’exprimer…
    Et comme, interdite, elle gardait le silence, il eut une main tremblante, la tendit à Béatrix en disant :
    – Lisez !
    Béatrix fut secouée d’un tressaillement électrique.
    Ses mains tremblèrent violemment en prenant la lettre qu’elle parcourut en pâlissant de plus en plus.
    Enfin, elle murmura, en étouffant les soupirs qui l’oppressaient :
    – Je le savais… je le savais…
    Et elle tomba à la renverse.
    Manfred jeta un cri de terreur, la saisit dans ses bras à temps pour l’empêcher de tomber.
    – Madame ! oh ! madame ! balbutia-t-il.
    Chose curieuse, et pourtant bien naturelle : il ne lui venait pas à l’esprit de dire « ma mère ».
    Livide, Manfred songea qu’il venait de tuer sa mère. Il en est en effet des joies puissantes comme des douleurs : elles peuvent tuer, en dépit du banal proverbe qui veut qu’on ne meure pas de joie.
    Manfred déposa Béatrix glacée sur un fauteuil, et, fou de désespoir, appela à l’aide. Deux femmes apparurent, et bientôt, grâce à leurs soins, la princesse ouvrit les yeux. Elle vit Manfred penché sur elle et murmura, ravie :
    – Mon fils !
    Alors seulement Manfred osa dire :
    – Ma mère !
    Et il se prit à pleurer longuement, comme pleurent les petits enfants.
    Les trois heures qui suivirent s’écoulèrent comme une minute ;

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