La couronne de feu
chevaux avaient besoin de souffler. Jeanne pénétra, la rage au ventre, dans cette cité fidèle au roi Charles. Impassible devant les marques de respect et d’admiration qu’elle suscitait, elle montra un visage de bois aux notables et à Jean Foucault qui commandait la petite garnison pour Ambroise de Loré, le gouverneur, qui était absent. Au cours de la réception à la Maison de Ville elle apprit qu’un chef de bande qui répondait au nom de Franquet, se disant originaire d’Arras et partisan du roi Charles, écumait et terrorisait les parages. Les Anglais cherchaient à lui mettre la main au collet mais il leur échappait et les narguait. Les bourgeois et les paysans auraient payé cher pour le voir, lui et ses hommes, se balancer aux gibets.
– Votre Franquet, dit Jeanne, je me fais forte de vous le livrer pieds et poings liés. Il vous en coûtera quelques barriques de vin pour mes hommes.
Elle resta éveillée une partie de la nuit à ruminer les horreurs dont ledit Franquet s’était rendu coupable et à envisager un projet de campagne contre lui. Elle alla éveiller Baretta avant le jour pour lui confier son plan :
– Nous resterons à Lagny le temps qu’il faudra, mais je veux la peau de cette canaille. Tâche de savoir où l’on peut le rencontrer et le piéger.
Surpris de ce comportement excessif à l’égard d’un chef de bande somme toute pas plus dangereux qu’un autre, Baretta lui demanda où elle voulait en venir :
– Tu l’as entendu comme moi, dit-elle. Les Godons veulent ce brigand. Nous allons le leur donner en échange de la libération d’un vieil ami, un certain Jacques Guillaume, Seigneur de l’Ours, dont je t’ai parlé. S’il a été épargné par la hache du bourreau il doit être à la Bastille. J’ignore si les Anglais accepteront cet échange, mais je ferai tout pour secourir ce brave homme et, si possible, quelques-uns de ses complices.
– C’est comme si Franquet était déjà à tes pieds ! dit le Piémontais.
Jeanne était à peine installée à Lagny et Baretta parti en campagne quand un groupe de femmes éplorées vint frapper à sa porte.
– Nous aimerions que tu nous suives à l’église Saint-Pierre, dit une vieille. Ma petite-fille, encore un nourrisson, est morte sans le sacrement de baptême.
– J’en suis peinée, dit Jeanne, mais je ne puis ressusciter les morts. Vous vous trompez si vous me prêtez le don d’accomplir des miracles. À quand remonte la mort ?
– À ce matin, trois jours après la naissance. Nous croyons en toi, Jeanne. Il faut nous suivre.
L’enfant gisait, immobile, yeux mi-clos, sur la pierre tombale d’un ancien prêtre. Il était encore chaud mais, dit Jeanne, noir comme ma cotte. Consciente de se constituer en orgueil en espérant triompher de la mort et arracher à Dieu ce qu’il avait repris, elle saisit le petit corps dans ses bras, le caressa de son souffle et de sa main en murmurant une prière des enfants apprise jadis à Domrémy.
Soudain elle s’écria :
– Dieu soit loué ! Il reprend vie ! Il a bâillé trois fois et ouvert les yeux.
Criant au miracle les pleureuses allèrent prévenir le curé qui arriva avec les instruments du culte et procéda au baptême. S’il avait attendu quelques heures de plus il aurait pu lui donner l’extrême-onction : l’enfant ne put survivre.
Jeanne reçut le lendemain un message de Baretta : il venait de surprendre Franquet d’Arras en train de se goberger dans une auberge ; après avoir mis la contrée en coupe réglée, il remontait sur Paris avec des chariots de butin et un groupe de jeunes garces liées par les mains. Le Piémontais demandait du renfort pour attaquer le convoi, plus important qu’il ne l’avait prévu. Jean Foucault décida de s’y rendre en personne avec une vingtaine de cavaliers. Jeanne voulu le suivre ; il s’y opposa : c’était une simple opération de police sans gloire mais non sans danger.
Dans l’attente des nouvelles de l’expédition Jeanne passa quelques heures chaque jour en compagnie des moines du moutier Saint-Fursy, priant de conserve avec eux ou se faisant instruire des choses de la religion. Elle se montrait curieuse d’apprendre qui étaient ces hérétiques hussites contre lesquels l’Angleterre avait décrété une croisade qui avait été détournée de ce but initial pour aller renforcer les ennemis de la Pucelle. Sans bien saisir leurs motivations et leurs buts, elle leur avait fait adresser
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