La couronne de feu
Clermont, de Vendôme et de Xaintrailles, comme s’il avait le diable à ses trousses, sans que l’on puisse savoir ce qui motivait cette bougeotte, s’il s’activait pour Charles ou pour Philippe. Signe d’affolement devant l’avancée des Anglo-Bourguignons ? Manigances pour préparer une reddition de la ville ?
Jeanne le retrouva devant Senlis où elle avait eu du mal à faire pénétrer une quarantaine d’hommes, les bourgeois s’opposant à héberger toute la troupe qu’on envoya camper au bord de la Nonette. Le prélat guerrier l’attendait dans la Maison de Ville proche de la cathédrale Notre-Dame. Il semblait de joyeuse humeur, ce que Jeanne prit pour une parade. Il s’extasia sur la bonne mine et la belle allure de la Pucelle puis soupira :
– Que de foi, que d’ardeur pour une cause perdue...
Fronçant les sourcils, Jeanne lui demanda ce qu’il entendait par cette réflexion. Il ajouta en se renfrognant :
– Je veux dire, ma fille, que vous allez devoir ranger votre panoplie et retourner auprès du roi.
Suffoquée, Jeanne répliqua sèchement :
– Si Sa Majesté m’en donne l’ordre par écrit, je m’y conformerai. Cet ordre, je dénie à quiconque le droit de me le donner. Le roi...
– Le roi... bougonna Regnault. Ce pauvre Charles... Prend-il seulement la peine de lire vos messages et les miens ? Cet ordre, mon enfant, c’est moi qui vous en informe en tant que représentant de Sa Majesté. Et je vous répète, le coeur serré, qu’il faut cesser le combat !
Jeanne sursauta :
– Le combat, dites-vous, monseigneur ? Quel combat ? Aurait-on déjà livré bataille sans que j’en sois avertie ?
– Il est vrai que vous n’avez pas encore rencontré l’ennemi. Croyez-moi, Jeanne, si je vous dis que vous courez au désastre et que vous risquez de ridiculiser Charles. Il se passerait bien de ce nouvel affront.
Jeanne fit quelques pas autour de la cathèdre sur laquelle Regnault avait pris place, éraflant les meubles de ses éperons. Bras croisés sur sa huque, elle lui fit face.
– Le roi, dit-elle, était d’accord pour me laisser la bride sur le cou. Je n’en attendais pas plus ! N’espérez pas que je renoncerai à ma mission qui est de porter secours à Compiègne.
Elle ajouta avec un sourire provocant :
– Je sais ce qui motive votre comportement à mon égard : vos bons rapports avec le duc de Bourgogne ! Vous souhaitez lui laisser le champ libre ? Eh bien ! il me trouvera sur son chemin...
Elle lui tourna le dos, se dirigea vers la porte. Il s’écria :
– Jeanne, ne partez pas ! Attendez !
Elle avait déjà disparu.
Compiègne, avril 1430
Le comportement réservé des bourgeois de Senlis n’avait pas incité Jeanne à les ménager : elle exigea des vivres et de l’argent, s’assura de la fidélité de la garnison, avant de prendre la route de Crépy-en-Valois. Il fallait maintenant brûler les étapes : elle venait d’apprendre que les Anglo-Bourguignons avaient pris position à Coudun, à moins d’une lieue de Compiègne. Mais d’abord, s’assurer de Soissons :
– Si l’armée de Philippe y arrivait avant nous elle nous priverait d’une position forte.
– Il faudra au moins deux jours de route, objecta Baretta.
– Ça ne sera pas du temps perdu. L’étape suivante nous mènera directement à Compiègne. Philippe et Luxembourg y auront peut-être pris déjà les dispositions du siège, mais nous trouverons bien un moyen d’y faire entrer notre monde, comme nous l’avons fait à Orléans, en trompant la vigilance des bastilles anglaises.
Soissons était tenue par le gouverneur Guillaume Bournel, un écuyer de Picardie, d’une fidélité envers les Français sujette à caution. Ce personnage n’était pas un inconnu pour la Pucelle. Alors qu’elle était blessée sous les murs de Paris, il l’avait aidée à se remettre en selle et l’avait réconfortée. Il l’accueillit avec chaleur mais refusa l’accès de la ville au gros de la troupe qui alla camper au bord de l’Aisne, dans le faubourg de Saint-Wast, sous la pluie battante.
En quittant la ville le matin suivant, Jeanne était d’une humeur de chien. Baretta lui avait révélé que Bournel ne lui inspirait guère confiance.
– À moi de même ! dit-elle, mais que faire ? J’ai peine à croire à ses promesses de fidélité.
Leurs doutes devaient se confirmer quelques jours plus tard : Bournel venait de vendre la place à Philippe pour quelques sacs
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