Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
sécrété, telle un escargot sa coquille, ce système défensif en prévision d’une grand chambardement universel occasionné par une ruée barbare venue des grandes steppes d’Orient ou par la venue d’un Antéchrist aux mains chargées d’orages. Sans la complicité d’un homme du pays, jamais Baretta n’aurait pu pénétrer dans cette ville. Quant aux Anglo-Bourguignons, eussent-ils été trois fois plus nombreux et dotés d’une artillerie dix fois plus puissante, ils auraient pu attendre longtemps avant de s’en rendre maîtres.
    – La preuve qu’ils prévoient un siège de longue durée, dit Guillaume de Flavy : ils construisent des bastilles.
    – Des bastilles... fit rêveusement Jeanne. Comme à Orléans. Il faut contrarier leur projet, saboter leur ouvrage.
    – C’est bien mon idée, mais la moindre sortie risquerait pour nous de tourner au massacre, et je tiens à ménager mes hommes.
    Il la précéda jusqu’au sommet du donjon où elle s’était installée, d’où la vue plongeait loin et profond dans les plaines et les collines de Picardie. À l’extrémité d’une vaste prairie aux abords inondés par les crues récentes, le terrain s’élevait en pente douce vers un horizon de buttes boisées semées de quelques villages.
    – Margny, dit Guillaume, où les Anglo-Bourguignons construisent leur première bastille, se trouve au flanc de cette colline abrupte. On distingue les premières structures de la bastille, près du castelet où Baudot de Noyelles a installé ses Bourguignons. À droite, au bord de cette petite rivière, l’Aronde, au bas de la montagnette de Ganelon, c’est le village de Clairvoix où Jean de Luxembourg a installé une garnison de Picards. De l’autre côté, à gauche, on peut voir les premières masures de Venette occupées par un poste anglais de cinq cents hommes.
    – Et le duc Philippe, demanda Jeanne, où se trouve-t-il ?
    – Il s’est installé à Coudun avec de forts contingents prêts à intervenir. De temps en temps il vient faire le bravache sous nos murs avec tambours et trompettes.
    Guillaume ajouta :
    – Leur dispositif a été conçu de main de maître. L’erreur eût été de concentrer le gros de leurs forces en un seul point. Si nous enlevions Margny leurs autres postes pourraient intervenir rapidement et nous prendre à revers.
    – Tout cela est bon à savoir, dit Jeanne, mais la partie sera difficile. Si j’écoutais votre tuteur j’attendrais patiemment le premier assaut. C’est aussi l’avis des capitaines Vendôme et Clermont. Ce n’est pas le mien. Je sais depuis Orléans qu’il faut battre le fer tant qu’il est chaud. Mes hommes et ceux de Baretta n’attendent que mon ordre pour effectuer une première sortie. Je compte leur donner ce plaisir dès demain.
    Elle ajouta d’un air sombre :
    – J’ai prêté une oreille attentive aux propos que tenaient au réfectoire les religieux de Sainte-Corneille que j’ai rencontrés dans la salle capitulaire : ils réprouvaient la démarche de votre tuteur demandant aux bourgeois de livrer la ville aux Bourguignons s’ils ne voulaient pas qu’elle fût saccagée ou brûlée. Cette attitude porte un nom : trahison.
     
    Alors que Jeanne faisait ses dévotions en l’église Saint-Jacques, proche de Sainte-Corneille, elle vit surgir dans la nef un groupe d’enfants qu’un vieux prêtre conduisait à la sacristie pour les aider à préparer leur communion. Ils s’arrêtèrent en la voyant agenouillée dans la chapelle de la Vierge. Elle se releva, vint vers eux et, adossée à un pilier, leur dit :
    – À vous tous qui m’écoutez et qui peut-être m’aimez, je puis révéler ce que m’ont annoncé récemment mes frères du Paradis : je viens d’être trahie, vendue, et bientôt vous apprendrez la mort. L’heure ne tardera guère où je ne pourrai plus servir le royaume et mon roi...
    Un concert de lamentations et de sanglots monta vers elle. Écartant les enfants et les fidèles qui s’étaient joints à eux, elle eut tôt fait de regretter ces propos qui s’étaient échappés de ses lèvres à l’issue d’une longue et profonde méditation : dans moins d’une heure toute la ville serait au courant.
    Ses voix lui avaient répété qu’elle serait prise avant la Saint-Jean d’été, soit dans un mois environ. Elle se dit qu’il lui restait encore du temps pour se battre et faire verser à Philippe et à ses capitaines des larmes de sang.

Compiègne, fin mai

Weitere Kostenlose Bücher