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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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partir avec soulagement cette grande fille qui ne cessait de le harceler pour qu’il prît lui-même la route vers la ville assiégée avant de se porter sur Paris. Autant de projets qui le dépassaient.
    Il demanda qu’on le laissât seul dans son cabinet et que personne, à aucun prix, ne vînt l’importuner. Ni sa famille, ni ses conseillers. Personne.
    Seul, il ne l’était jamais lorsque Jeanne vivait sous son toit. S’absentait-elle, pour quelque raison que ce fût, elle ne manquait pas de donner de ses nouvelles par des billets que Pasquerel griffonnait sur sa selle, à la mine, si bien qu’il avait l’impression qu’elle était toujours près de lui, qu’elle pouvait surgir à tout moment, s’agenouiller pour lui embrasser les mains ou les genoux, le complimenter sur sa bonne mine, se fâcher en lui reprochant de s’intéresser trop à ses plaisirs et pas assez aux affaires du royaume, éclater de rire en lui contant une savoureuse histoire ou en lui chantant un des nouveaux chants de route qu’elle venait d’apprendre...
    Il lui disait :
    – Décidément, Jeanne, je crois que tu as le diable au corps. Ne peux-tu rester un seul jour en place, te reposer ?
    Elle se tapait sur les cuisses en riant :
    – Le diable, sire ? demandez donc au frère Richard ce qu’il en pense, s’il croit que je suis habitée par le diable ou par Dieu ! Je suis pucelle, vous le savez depuis que vous m’avez fait examiner par les matrones de Poitiers. Et le démon ne peut pénétrer le corps d’une pucelle...
    Il ne se remémorait pas sans émotion la visite qu’ils avaient faite à Saint-Benoît, non loin de Sully, un matin de mai. Ils avaient tourné en rond à s’en étourdir autour des piliers supportant des chapiteaux richement sculptés que commentait le père abbé. Ils s’étaient tenus par la main, agenouillés, pour prier devant la petite Vierge d’albâtre placée sur l’autel. Ils avaient, en plongeant dans les profondeurs mystérieuses de la crypte aux massifs piliers ronds, ressenti la même émotion : celle qui fait peser sur le coeur le poids des siècles de foi qui ont précédé cette époque vouée à la démence.
    Jeanne... Jeanne prisonnière des Bourguignons... Il se répétait cette litanie sans parvenir à lui donner un semblant de réalité. Jeanne était l’image même de la liberté. Chacun de ses pas semblait la propulser vers une conquête et son cheval semblait porté par des ailes, comme ceux des saints. Jeanne... comment l’imaginer enfermée dans une cellule, derrière des grilles, sous la garde de soudards ironiques, les fers aux pieds peut-être ?
    Il apprit peu de temps après que Jean de Luxembourg, comme s’il craignait une évasion ou une délivrance par les armes, avait emporté sa proie à Beaulieu. Depuis, pas de nouvelles...
     
    Une dizaine de jours s’étaient écoulés depuis l’annonce de la capture de Jeanne quand il avait reçu la visite de La Hire : l’ancien chef de bande venait lui proposer de mettre sur pied une expédition destinée à la délivrer. Il jugea cette idée prématurée, jugeant qu’il fallait attendre que Jean de Luxembourg ou Philippe présentent une demande de rançon.
    – Je serais fort surpris, lui répondit La Hire, que les Anglais laissent Jean de Luxembourg disposer à sa guise d’une prisonnière de si grand prix pour eux. Leurs desseins avoués sont de la juger et de la faire mourir, non comme prise de guerre mais comme sorcière. Jean ne tardera pas à leur vendre sa prisonnière : il est en permanence à court d’argent.
    Entreprendre de délivrer Jeanne par les armes ? Le roi promit d’y songer, mais en dernier recours seulement.
    D’autres seigneurs et capitaines firent auprès du roi Charles la même démarche et reçurent la même réponse. Les anciens compagnons de Jeanne se présentaient chacun avec son plan et son enthousiasme. Charles leur recommandait la patience : les jours de la Pucelle n’étaient pas en danger ; son procès pourrait durer des mois, des années même, si Jeanne exigeait que l’on fît appel à Rome.
    Sous la confiance qu’il affichait en présence de ces têtes folles, Charles se sentait repris par ses velléités, ses hésitations, ses doutes. Lorsque ces obsessions devenaient pressantes, il faisait seller son cheval et allait galoper par les champs comme s’il cherchait à échapper à un personnage qui lui devenait insupportable : lui-même.
    Un jour, il décida de quitter Bourges pour

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