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La couronne de feu

La couronne de feu

Titel: La couronne de feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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héros sur les champs de bataille et y a laissé beaucoup de sa chair et de son sang ? Il suffit de le voir pour se convaincre qu’il n’a jamais gardé l’épée au fourreau quand il s’agissait de se battre au service de Philippe, en Flandres ou en France. C’est un miracle qu’il soit encore en vie !
    Elle ajoutait à voix basse, une main sur le genou de Jeanne :
    – Si j’ai le plus profond respect pour le soldat, en revanche je regrette qu’il ait donné sa foi et mis son épée au service de cet affreux Philippe, dit le Bon, qui est trop anglais à mon goût. Moi je suis fidèle au roi de France depuis toujours et personne ne m’en fera démordre ! Si je te racontais mes démêlés avec Jean sur ce sujet, il nous faudrait des heures.
    Sur les problèmes d’argent de son neveu, Mademoiselle de Béthune était infatigable : il émargeait pour la capitainerie générale de Picardie, recevait des subsides de ses domaines de Ligny et autres lieux, bénéficiait des largesses des Bourguignons et des Anglais sans cesser de tirer le diable par la queue.
    – Je sais, disait-elle, ce que mon cher neveu attend pour éponger ses dettes et mener la grande vie : mon héritage ! Il n’est pas près de l’avoir car, grâce à Dieu, je jouis malgré mon âge avancé d’une santé florissante. J’ai pris soin de le prévenir : il n’aura cet héritage qu’à une condition : que tu ne sois pas vendue aux Anglais. C’est dire que vous pourriez rester longtemps parmi nous... si le Seigneur me prête vie.
     
    Les dames de Beaurevoir avaient demandé à Jeanne de renoncer, par décence, à ses habits masculins. Elles lui firent visiter leur garde-robe, lui proposèrent quelques vêtements de femme, Jeanne refusa poliment de s’en vêtir.
    – Comprenez-moi, dit-elle. L’habit que je porte me convient car je n’ai pas renoncé à me battre.
    Avec l’épouse du comte elle n’avait que des rapports froids et distants. Aucun différend ne les opposait, mais aucune sympathie ne les liait. La dame passait tout son temps aux soins de la maison, et elle avait de quoi faire : domestiques à surveiller, comptes à tenir, fournisseurs à recevoir. Elle avait aussi à surveiller sa fille, une autre Jeanne qu’on appelait pour la facilité Jeanneton.
    Cette petite diablesse s’était prise pour la prisonnière et son intendant d’une sympathie équivoque. Elle jouait avec eux dans la cour à la balle, à cache-tampon, à saute-mouton ou aux quilles, trichait, leur jouait des tours pendables dont ils étaient les premiers à rire. Elle ne perdait rien de leur comportement et de leurs propos qu’elle rapportait fidèlement à sa mère. Cette fillasse rougeaude, aux lourdes nattes, aux yeux pétillants d’une malice mâtinée de fourberie, se livrait à des jeux qui indignaient sa compagne : elle se plaisait à torturer et à tuer les animaux domestiques.
     
    La Pucelle revenait, en compagnie de Jean, de la tour de guet située à peu de distance du château, sur une levée de terrain dominant les horizons paisibles de la Picardie, quand elle trouva dans la cour, appuyé à la margelle du puits, son chapeau sur les yeux, un jeune gentilhomme en tenue de voyage, au visage agréable malgré la barbe courte et hirsute qui lui donnait l’air d’un sauvageon à peine apprivoisé. Il s’avança vers elle, un sourire aux lèvres, porta son chapeau à son coeur et s’inclina.
    Aimond de Macy, gentilhomme du voisinage, ne cacha pas à la captive qu’il était attaché au parti anglo-bourguignon et avait combattu pour le duc de Bourgogne. Blessé à l’épaule lors de l’engagement entre sa compagnie et les Piémontais de Baretta, devant Compiègne, il avait observé une longue convalescence.
    – On ne m’a pas trompé, dit-il. Alors que je t’imaginais sous les traits d’une grosse soldate au visage rubicond, des gens sont venus me dire que tu étais au contraire fort agréable à regarder.
    – Bref ! fit-elle, agacée. Qu’attendez-vous de moi ? Vous souhaitiez voir à quoi je ressemble ? Eh bien, c’est fait. Je vous souhaite le bonsoir !
    Il éclata de rire, la retint par le poignet.
    – Tu es bien celle dont on m’a parlé, dit-il : vive, spontanée, volontiers agressive, adversaire des conventions mondaines... Je sais aussi que tu es ardente dans ta foi et fidèle dans tes sentiments.
    – J’accepte le portrait, mais pardonnez-moi, c’est l’heure du souper et je meurs de faim.
    Elle lui tourna le dos.

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